Mon frère et moi, Érik Sven, Murmure des soirs, 2018, 18 €, 124 pages.
« Nul ami tel qu’un frère, nul ennemi comme un frère », voilà le proverbe indien qui ouvre le nouveau roman d’Érik Sven.
À l’écart d’une mère souffrante et d’un père réfugié dans son atelier, Colline et son frère Aubin se consolent dans la cabane du jardin où, découvrant des sensations nouvelles, ils entrouvrent la porte de ce qu’on nomme la vie. Puis avec Béatrice, l’amie d’école plus âgée, Colline découvre l’éveil de son propre corps. Après l’école, les deux filles suivent Aubin dans la proche forêt qu’habitent ronces et dangereuses failles karstiques. Dans un chalet retiré, ils font la connaissance de Berthe, qui se lie aux enfants, qui veut les protéger. Et comme ces derniers ont appris que les bulldozers du père vont briser la magie de la forêt…
Le décor est fixé, les souffrances peuvent entrer en scène. À côté de la souffrance physique de la mère, celles psychologique du père, d’Aubin qui parle peu, de Colline qui voudrait vivre comme les autres petites filles et de Béatrice, l’apparente inadaptée. Celle de Berthe aussi, dont le journal révèle peu à peu les antécédents douloureux, et celle de la nature sauvage qui résiste à la logique conquérante du monde dit moderne…
Si on ajoute l’énigmatique «karrrrrrst» à de tels composants, l’issue ne peut être que dramatique.
Merci à Érik Sven de nous avoir brossé en 120 pages ce tableau peu commun, avec des personnages « bruts de décoffrage » jetés dans cette alchimie forestière qu’il maîtrise particulièrement (rappelons-nous son roman Le prisonnier des collines).
À lire au calme, le soir. Même si la lumière ne s’éteindra qu’après la dernière page et que les rêves risquent d’être animés…
Philippe Bailly, troubadour de Bouillon