Philippe Colmant Terrains conquis éditions Le Coudrier ( 2024,85 pages, 20 euros)

C’est à partir de souvenirs que Philippe Colmant fait progresser un état des lieux en évoquant un « nous » participatif rendant la chose mystérieuse et indéfinie : « Au début/l’amour/C’est comme la mort:/la pensée s’envole/Et le cœur s’arrête ». C’est que, pour la jeune expérience le danger guette à descendre « plein gaz/La corniche du cœur » tandis que, en friche, la poésie s’insinue dans les interstices de la vie et de l’amour, terrains progressivement « conquis » alors que les absences sont évoquées en ombres diverses.
Epuisé à la recherche des mots constatés d’une « barbe de cinq jours », le poète triture l’encrier jusqu’à son propre sang.
On ne la lui fait pas : « si rien ne promet le ciel » ,l’éclaircie est au bout de la démarche entre mer, crues fluviales, gares et souvenirs personnels.
Ramassé sur lui-même un cri traverse de ci de là la pensée sans que l’auteur n’en dise plus : « tous les cris de révolte/Naissent de la douleur/D’un silence écrasé ». Rivé au sol, Philippe a, à plusieurs reprises l’attirance volatile qui lui sied là où « l’oiseau de talent/Picore la lumière ».
Là où un poète comme Philippe Leuckx parle de murs, Philippe parle lui « d’ombres forfaitaires » quêtant sa propre présence parmi les ombres d’autrui.
Une sorte de silence, voire de solitude « A devenir volute/Légère au ciel mendiant » imprime les pages avec douceur. C’est que la poésie de Philippe se chuchote d’oreille à oreille tandis que c’est l’enfance à rebours qui clôture son jardin de rêves. En bordure de celui-ci, l’ombre de Jean-Michel Aubevert l’a précédé en préface à si bien dire que « l’œuvre est vaine (et que) seul l’amour est en œuvre aux cordes du cœur »

Patrick Devaux