Entre ciel et terre : David Dehenauw, un poète qui s’ignore !
Propos recueillis par Noëlle Lans.
Photos: archives David Dehenauw.
David Dehenauw serait-il un poète qui s’ignore ?
Ce n’est pas le brillant scientifique météorologue que l’on sait, bardé de diplômes prestigieux (e.a. plusieurs grades d’ingénieur) que j’évoquerai ici. Pas de commentaires non plus concernant sa dernière coupe de cheveux, ou celle de son complet-veston, ou la marque de ses baskets. Les réseaux sociaux et les rubriques « people » s’y sont déjà suffisamment attardés!
C’est à un David Dehenauw très attachant, surprenant par sa spontanéité, sa gentillesse qui semble innée, sa fascination pour les richesses de la nature qui l’entourent, que j’ai adressé les questions qui suivent.
Travailleur acharné, David Dehenauw s’émerveille chaque matin devant l’aube qu’il attend avec impatience pour s’y ressourcer, y puiser son énergie, car la journée sera longue !
Passionné par les plantes aquatiques, et lorsqu’il parvient à s’accorder quelque loisir, il scrute avec plaisir les eaux claires de la Semois à la recherche de la renoncule des rivières.
Sur sa terrasse, il a installé une petite pièce d’eau pour suivre l’évolution de quelques espèces. Justement, le jonc fleuri, ou butome à ombelle, une espèce protégée, typique des polders, vient de faire sa première fleur !
Très ancré dans la vie sous toutes ses formes, il s’adonne sans réserve à l’une de ses passions : l’observation des nuages. N’est pas Monsieur Météo national qui veut.
Ainsi, il observe : « Belle nuance de couleurs entre mer du nord et cumulonimbus » !
Passant par Ostende, Il s’émeut du sort d’un jeune phoque qui prend le soleil sur un rocher. Une autre fois, il s’amuse de la présence inattendue d’une punaise, surgie de nulle part, qui gambade sur son bureau : l’occasion rêvée d’observer longuement l’insecte…
Parfois aussi, il ramasse des couteaux sur la plage et s’en fait un festin.
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La nature, dans tous ses aspects, semble vous fasciner. Cela remonte-t-il à votre enfance ?
Oui ! Je regardais non seulement les nuages mais je m’intéressais aussi aux tritons, grenouilles et crapauds. La vie aquatique m’a toujours fascinée ! Quand j’avais quinze ans, je faisais déjà du jardinage aquatique. J’étudiais et cultivais des plantes aquatiques et les amphibiens, qui s’installaient spontanément dans mon petit étang.
Plutôt sportif, vous pratiquez le jogging au quotidien, vous vous risquez occasionnellement sur des patins à glace (!) et vous êtes passionné de foot et peut-être d’autres sports aussi. Qu’en est-il des Arts ? Vous y intéressez-vous ? Les arts en général, ou un en particulier (littérature, arts plastiques, musique, cinéma, photo …) ?
Pas tellement, non. De temps en temps, je me rends au cinéma et j’écoute beaucoup la musique populaire des années ’80.
Flamand d’origine, né à Bruges et vivant à Blankenberge, n’avez-vous pas aussi de lointaines racines en Wallonie ?
Oui ! Ma grand-mère était originaire de Sprimont, en province de Liège. Son père y vivait avant de déménager à la côte. Un quart de mon sang est donc wallon, ce qui explique mon intérêt et ma passion pour la Belgique francophone, y compris évidemment Bruxelles, où j’ai fait mes études universitaires.
Fréquentez-vous volontiers le sud du pays ? Vous êtes très apprécié par les francophones !
J’adore la Wallonie et Bruxelles depuis mon enfance. J’ai toujours aimé le français et j’ai eu un accueil formidable à RTL et la presse francophone est super gentille envers moi aussi. Le public francophone est très sympathique et j’ai beaucoup de respect et d’amour pour eux. J’espère que cela se voit sur l’écran quand je présente la météo. C’est un honneur de pouvoir bosser pour eux, malgré mes racines flamandes. Je visite la Wallonie très souvent, de Tournai à Torgny et j’apprécie ses beaux paysages, sa gastronomie et son esprit ouvert.
Né sous le signe du Sagittaire, vous sentez-vous, comme lui, les sabots sur terre et l’arc bandé vers le ciel, un de vos terrains de prédilection ?
Oui, mais l’arc bandé est remplacé par mes yeux, qui regardent le ciel. Les sabots sur terre, oui, car je veux toujours avoir les deux pieds sur terre, peu importe le succès professionnel.
Vous êtes Directeur des Prévisions maritimes à l’IRM. En son temps, vous avez rédigé une thèse sur la « prévision de fortes rafales orageuses et de grêle », et vous parrainez l’exposition « Storms » à Blankenberge. Quand il n’y a pas un seul nuage à l’horizon, vous sentez-vous frustré ? Il est vrai que c’est plutôt rare dans nos régions …
Non, pas du tout ! Je peux aussi profiter du beau temps ! Mais un même type de temps, beau ou mauvais, pendant plusieurs semaines, m’énerve.
Le scientifique n’est-il pas « aussi » un grand rêveur qui ressent le monde un peu à sa façon et l’imagine – ou l’espère – peut-être autrement ?
Oui, j’espère toujours que les gens puissent vivre ensemble partout dans le monde. C’est aussi le crédo de RTL-TVi. Moi, j’y ajoute : « Vivre ensemble en travaillant ensemble ».
En 2002, vous avez guidé Steve Fosset – le richissime aventurier américain disparu tragiquement – lors de son vol en ballon autour du monde. En 2016, c’est la tentative de record du monde en montgolfière du russe Fedor Konyukhov que vous supervisez. Et, dernier arrivé à bon port ce 25 juillet 2016, Bertrand Piccard avec le Solar Impulse. Comment vivez-vous ces expériences… non dépourvues de poésie ?
J’ai guidé Fosset quatre fois autour du monde, une fois en ballon et trois fois en avion. J’ai aussi contribué au succès du Solar Impulse de Borschberg et Piccard. Pour moi, ce genre d’aventures me permet de sortir de l’ordinaire. Les compétences acquises sont appliquées aux prévisions belges. Cela me donne l’occasion de m’améliorer. Et je suis fier de pouvoir bosser non seulement pour les Américains, mais aussi pour les Russes. En Belgique, je pratique « l’équilibre communautaire » en tant que météorologue national. Sur le plan international, j’ai l’occasion de le faire entre les Etats-Unis et la Russie. Cela me fait chaud au cœur.
En philosophie, quel aspect de l’humain aimeriez-vous voir se développer?
Je ne m’occupe pas vraiment de la philosophie…
Êtes-vous sensible à toutes les formes de l’humour (absurde, noir, satirique…)? Pourriez-vous concevoir la vie sans dérision ou autodérision ?
Oui, j’aime la blague ! Je ne peux pas vivre sans autodérision.
David Dehenauw est-il un homme heureux ?
Oui, parce que je me sens aimé et apprécié par beaucoup de gens.
Si vous pouviez réaliser un vœu pour vous-même, quel serait-il ?
De pouvoir continuer ma vie de la même façon.
Un vœu pour l’humanité ?
Davantage de tolérance, de respect et de sens de collaboration.
Quel est votre mot préféré, pour sa signification, peu importe dans quelle langue ?
« Kruwen », en patois blankenbergois, cela signifie « pêcher des crevettes à pied en bord de mer, en traînant un chalut ». Mon grand-père le pratiquait souvent quand j’étais petit. Je l’observais depuis la plage et j’ai encore de bons souvenirs de cette pêche !
Que détestez-vous le plus dans la vie?
La malhonnêteté !
Qu’aimez-vous le plus : être, faire, paraître, dire, écouter, agir, rêver… ?
Faire !
Si vous deviez vous définir, quels termes choisiriez-vous ?
Correct, honnête, bosseur, parfois naïf et trop indulgent, patient, amoureux de la nature…
Vos qualités l’emportent, bien sûr, sur vos défauts (!) mais si vous pouviez en perdre un pour être encore plus parfait, quel serait-il ?
La naïveté… et perdre un peu de « patience » !
Vous sentez-vous concerné par l’actualité et ses problèmes récurrents (les changements climatiques, le racisme sous toutes ses formes, le mariage pour tous, les guerres, la violence, les migrations, etc.)?
Oui, bien sûr, mais je me sens aussi impuissant à les modifier significativement.
Avez-vous envie de vous exprimer sur un sujet non abordé ?
Non…