Philippe Cantraine, Nous n’y sommes pas encore (nouvelles), éditions Muse.
Une chose m’a frappé d’emblée, dans ces nouvelles: elles sont écrites par un homme d’action plutôt que par un discoureur, ou un styliste. Un homme d’action, c’est-à-dire aussi un homme de réflexion. De par sa carrière, Philippe Cantraine a parcouru nombre de pays : Allemagne, Canada, Italie, Pologne, et de nombreux pays d’Afrique francophone. Cette tendance était déjà assez marquée dans le roman qui avait précédé, fort bien construit, ménageant ses effets, pour narrer l’odyssée de l’or belge égaré en 1940 dans les sables du Sahara. Cette tendance se confirme ici, tout spécialement dans les deux nouvelles qui se déroulent sur un fond d’archéologie, de fouilles, mais aussi de guerre. Philippe Cantraine a l’art de ménager ses effets, de créer des personnages bien typés, sans négliger pour autant les arrière-fonds, tous ces personnages secondaires, venus souvent du petit peuple, et dont le sort l’intéresse tout autant que celui des ténors de la politique ou de l’espionnage.
Ainsi, l’épidémie de diarrhée qui ouvre la première de ces nouvelles, et vient mettre obstacle à l’ouverture d’un tombeau égyptien: une histoire dérisoire, histoire de la dérision qui ramène au niveau du quotidien certaines des prétentions du monde savant, mais aussi de celui des médias aussi bien que celles d’un nationalisme frelaté, me semble hautement symbolique. Il n’y manque pas, d’ailleurs, d’un certain pittoresque, induit par u personnage très réaliste qui, lui, s’exprime de préférence en picard.
S’il le voulait, une belle carrière d’auteur de polars et de thrillers s’ouvrirait devant lui…Mais il y a aussi chez lui une part de fantaisie, de poésie, et aussi de critique sociale. Difficile, quand on est riche d’autant de dons, de fréquentations diverses, de missions lointaines, de se limiter à un seul domaine. Nous ne nous en plaindrons pas, et nous attendrons avec intérêt les surprises qu’il nous réserve encore.
Joseph Bodson