Frédéric Chef, Le Colporteur magnifique, éd. Weyrich, Plumes du Coq, 2016.
Plutôt qu’un roman, un récit de voyage; à pied, en kayak ou autrement. Et sur les traces d’un colporteur magnifique: Robert-Louis Stevenson, grand voyageur devant l’éternel. Colporteur: c’est ainsi que le voyaient les indigènes, peu habitués aux globe-trotters…Un personnage pour le moins extraordinaire, qui préférait les risques du long cours à la sécurité d’un bureau d’homme de loi.
Mais avant de devenir romancier des îles lointaines, Stevenson allait faire quelques galops d’essai, dans les Cévennes, avec un âne, et sur les canaux du Nord, en compagnie d’un ami écossais. C’est sur ses traces que Frédéric Chef, professeur de littérature à Reims, passionné lui aussi de voyages, et de voyages dans le Nord de la France, trop méconnu, va se lancer.
Il mesurera bientôt combien la situation a changé par rapport à l’époque de Stevenson: on n’arrête pas le progrès, les canaux ont changé de place, le plan incliné de Ronquières a remplacé toute une séquelle d’écluses, mais cela n’arrange pas toujours les affaires de ce navigateur solitaire, amené à pratiquer le portage dans des conditions difficiles, à enfreindre les règlements parfois. Son itinéraire ne sera pas un simple copier/coller sur la carte de Stevenson: bien des paysages ont été modifiés par la main de l’homme.
Frédéric Chef, tout comme son modèle, va se révéler grand amateur de contacts humains, mais aussi de belle nature. Et, pourquoi pas, de bons repas, ce qui ne gâte rien. Il y aura ainsi des moments-phares dans son récit, ainsi la rencontre, rue Anoul, d’un certain Jean-Pierre Canon, bouquiniste à l’enseigne de la Borgne Agasse. Et il y aura, en France aussi, d’autres rencontres du même style, des personnages hauts en couleur, d’autres plutôt grincheux, hargneux, des fatalistes, des bons vivants. Rien ne vaut, pour apprendre « le monde », celui des humains comme celui des éléments naturels, le voyage à pied (ou en kayak). Et il y a, pour Stevenson, des liens évidents entre le voyage et la mort, même si, dans un premier temps, la marche amène à la sérénité, à force de fatigue.
C’est ainsi qu’il parcourra Belgique et nord de la France, depuis Anvers, en passant par Bruxelles, Charleroi, Thuin, Maubeuge, Landrecies, Compiègne, de canal latéral à rivière canalisée, avec un certain nombre de passages difficiles.
Puisse ce petit livre en inciter beaucoup à partir sur ses traces, ou à les croiser…Qu’attendez-vous, ami lecteur? L’air est pur, la route est large…Je vous cite la belle finale du livre: N’oublions jamais que nous avons été jeunes, que nous le resterons un tant soit peu si nous ne trahissons pas le marcheur insouciant qui va vers l’inconnu et les rencontres d’un jour; si, au lieu de croire aux promesses, nous embrassons le sourire des plaines et le chant des ruisseaux, nous serons heureux ici et maintenant.
Joseph Bodson