Armel Job, Sept histoires pas très catholiques, nouvelles, Weyrich, Plumes du Coq, 2016, 140 p.
Armel Job ferait-il son aggiornamento? Non, je ne crois pas que ce soit nécessaire. Il connaît depuis belle lurette son petit monde de la Haute Ardenne, curés et doyens compris. Il est bien vrai qu’ils y tenaient – et tiennent encore un peu – une place éminente. Concurrence à l’état civil, à la Balzac? Nenni, son ambition ne va pas si loin. Ses personnages ne sont pas si nombreux, mais il les a pénétrés intus et in cute, et cela nous vaut une galerie de portraits plus savoureux les uns que les autres, où l’intérêt ne faiblit pas; une belle galerie assez homogène, même si ces nouvelles ont d’abord été publiées séparément.
Pince-sans-rire, bien sûr, l’humour acidulé, mi-figue mi-raisin, à l’anglaise, un peu – mais anglais de Haute-Ardenne. Écoutez plutôt cet extrait de la naissance d’Achille, dans Le dolmen: Un peu plus tard, Achille dégringolait dans la poussière. Elle l’avait pris contre elle. Il était enrobé de terre brune, comme une betterave déracinée, et elle lui avait coupé le cordon avec son couteau à décolleter. Conformément aux usages, Achille s’était mis à brailler, mais sa voix, dans cette crypte minuscule, s’était trouvée si amplifiée que sa puissance, sans doute, l’avait séduit. En effet, il avait commencé sur-le-champ une carrière d’enfant difficile. Une sensibilité digne de l’antique, on se croirait chez Homère ou chez Rabelais, au beau mitan de ce champ de betteraves.
Et puis, les réflexions du brave curé Volner, sur la religion de ses ouailles, p.34: Les vieux, il les avait maintenus dans le droit chemin où ils étaient par l’usage. Ils avaient la pratique modeste: la messe les jours de stricte obligation, une confession annuelle au forceps, les derniers sacrements quand le croque-mort était dans le vestibule. Mais c’était leur façon, qui évoquait en lui un certain publicain au fond de la synagogue. Et cependant, ne vous y fiez pas, ces personnages ont un double fond, et sans trop y toucher, Armel Job ouvre des horizons sur les souffrances qui ont été celles de ces braves curés de campagne, que l’on méprise un peu trop aujourd’hui après les avoir mis sur le pavois: amours contrariées, qui se transforment en drames de la solitude. Tel était le curé Volner.
Oui, une sagesse un peu terre à terre, ainsi p.121: Cette récrimination naturellement insultait à la plus élémentaire vraisemblance. Mais à quoi bon la réfuter? C’était la vérité de Blanche. Nous nous fabriquons tous nos illusions. Sans quoi comment pourrions-nous vivre?
Sagesse un peu terre à terre, mais pleine de réalisme…
Joseph Bodson