Philippe Leuckx, La marge noire du livre, poèmes, Les déjeuners sur l’herbe.
Un coup de blues? Une confusion – ce sont les pages, qui ont des marges, et non les livres? Mais il y a certains livres, peut-être à l’image même de la vie, qui répandent autour d’eux, c’est vrai, une sorte d’ombre, ou de marge. Serait-ce peut-être ici – car la poésie de Philippe Leuckx ne répand pas d’habitude la tristesse autour d’elle, mais bien plutôt l’allegria, une sorte de légèreté de l’être – serait-ce peut-être comme un incunable, une sorte de brouillon, ou de pré-texte – le fond sableux d’une rivière où le pied s’appuie pour un nouvel élan, pour refaire surface?
Ecoutons-le plutôt:
Jamais l’âme ne resserre la corde./L’horizon tient lieu de barque./On marche avec de l’eau froide.
ou encore:
Quelques mains. Parfois un jour coupé court/Aux fenêtres lasses./De loin en loin des cadavres de souvenirs.
ou bien encore:
Parfois la terre. Plus loin la marge noire du livre./L’enfance glisse./La boue avec sa pelisse de nuit.
Avec l’envie, parfois, d’invoquer Baudelaire, Quand le ciel bas et lourd…, ou Les fenêtres, de Mallarmé.
Et nous voilà, hypocrites lecteurs, guettant le prochain passant, en ces paysages lointains, par d’étroites fenêtres. A la place de Noé, j’aurais envoyé une alouette, plutôt qu’une colombe. Car la paix est parfois bien haut dans le ciel.
D’un village oublié dans l’ourlet d’un sac. /Les grains montent à l’extrême du jour./Le cœur s’étouffe d’herbes éblouies.
Joseph Bodson