Jo Dustin, Chronique du temps qui lasse 1956-1993, Ed. Au coin de l’enfer, 2014, 73 pages (plus un CD), 13 euros
Jo Dustin est né et 1936 et décède en 2011. On connaissait le peintre, le dessinateur, le critique d’art et le chansonnier. Il a fallu attendre sa disparition pour découvrir ses poèmes et ses textes disséminés dans des carnets, et rassemblés par sa compagne tel un puzzle, dans ce recueil du temps passé entre 1956 et 1993. Un CD est joint au livre et c’est Monique Dorsel qui prête sa voix au chant de vie de Jo Dustin.
Ce sont des poèmes forts, qui secouent, et qu’on aimerait mettre en musique, même s’il affirme lui-même avoir voulu passer à autre chose :
Autrefois je faisais des chansons
Comme ce bouillon qui précède
Avec des tournures anciennes
Finissons-en à la vitesse
Toujours un peu excessive, surprenant souvent, sa poésie est comme un défi à la routine de notre logique. Jo Dustin jongle avec l’ironie, voire un brin de cynisme, le désenchantement, et des mouvements de rage, il laisse couler le filet de fiel et de mots pour colmater le gouffre.
Ce sont là des poèmes qui heurtent, mordent, qui se moquent. Bref, des poèmes qui ont du nerf écrits par un homme à vif.
La poésie déserte la plaquette sage
Elle m’a donné rendez-vous dans le matin noir
Avec un sourire de musaraigne
Et après la trahison d’un ami :
Nous serons des fourgons fourbis et fourbus
Des rames agitées en l’eau de plaisance.
Nous serons coqs, échine haute, lance pâmée !
Tout ce fatras court en poème.
Vite et lourd. La rature s’abstient.
L’ami a trahi. Il ne comprendrait rien.
Les textes en prose rassemblés dans la deuxième partie, intitulée « La poésie existe… », sont plus proches d’une poésie douce et nostalgique et reflètent sa part de mélancolie. Par exemple :
Encore un chemin trempé et j’arrive à la petite pagode beige ; elle s’appuie sur le remblai du chemin de fer. Et là, dans la rotonde noire je lis : Je t’aime à en mourir…Phrase banale, belle armure de passion…tellement exagérée. J’approuve. Au retour de mes pas deux amoureux et une bicyclette. Un casque de boucles dures surplombe une robe turquoise.
Jo Dustin, un homme engagé, poète toute sa vie.
Comme il le dit, La poésie existe au-dedans, au dehors…partout en doses inégales et subjectives.
Martine Rouhart