Claire Mathy – Une peau à soi – éd. Memory – 217 pages – 20 €
Claire Mathy aborde ici différents types de handicaps, la façon de les vivre et d’y faire face. Elle nous présente le drame d’un garçon de dix-sept ans, grièvement brûlé, plongé dans un coma artificiel, qui en émerge peu à peu et qui doit apprendre à vivre dans ce corps abîmé. Souffrances physiques mais aussi psychologiques de Maximilien, appréhension de l’avenir, des relations avec les autres, de la possibilité d’envisager un métier… Nous suivons la progression de sa re-naisssance au cours des semaines, avec l’aide du corps médical, bien sûr, mais aussi de ses parents, famille et amis. Cela ne se fait pas sans mal et sans remous car la vie doit se rééquilibrer en fonction de nouvelles données. Il faudra dénouer certaines tensions entre ses parents et lui. Et il découvrira des choses insoupçonnées.
L’auteur aborde d’autres handicaps, comme celui de la surdité de Melody, l’amie de l’adolescent, qui a appris à lire sur les lèvres, qui pratique le langage des signes et qui vit sa situation avec courage et avec le sourire. La notion de handicap est très relative. Un entendant dans un peuple de sourds serait, lui, le handicapé, car il n’entendrait rien au langage des signes et serait interdit de communication. En fait, le handicap est surtout ressenti comme une différence. Ainsi, l’albinisme, l’obésité, la détresse du primo-arrivant qui se sent perdu, la petite taille même, car la mère de notre grand brûlé, avec son mètre cinquante-quatre, est presque comparée à un Pygmée ! Sachant que la taille moyenne de l’homme pygmée est d’un mètre quarante et celle de la femme d’un mètre, on voit que Claire Mathy n’est pas toujours en adéquation avec la réalité. En fait, elle aime le symbole, comme en témoigne le choix des noms : l’infirmier-chef qui se nomme Petyseigneur (ou Petit-Soigneur!), les médecins au nom liturgique, Pâques et Noëlle, Melody la sourde, et lsabeau le kiné, autrefois brûlé aussi, qui porte un nom de femme à consonance masculine, où l’on retrouve le mot « beau »…
Ce roman offre un aspect de conte, tout en étant pétri des éléments les plus concrets. La volonté de bien faire et de faire du bien est évidente. Claire Mathy s’est soigneusement documentée sur le sujet des grands brûlés et de la surdité, elle a consulté des spécialistes de ces handicaps, elle s’est fait relire par sécurité et on ne peut trouver de faille dans le rendu de ces réalités. Mais elle n’hésite pas à introduire des éléments surprenants, qui sentent le conte de fée : Maximilien veut broder ses vêtements avec les cheveux bouclés que Melody lui a sacrifiés… Romantique. Mais est-ce réalisable, de broder avec des cheveux ? Bouclés, de surcroît ?
D’autre part, l’auteur fait un usage tout à fait particulier de la langue française, qui déroute par moment et donne un ton unique au roman. Des mots forts, qui frappent, mais dont le sens échappe parfois.
« Sa langue tituba. Ses mots tanguèrent. Son jargon scotcha les voisins à son haleine. Il éructa une vérité fétide.»
« L’air sentait la chair à fumier.»
« La pièce éviscérée placardait ses moignons de plâtre. »
« Elle mit l’enluminure de son index en bouche. »
Peut-être le français n’est-il pas sa langue maternelle ?
Quoi qu’il en soit, Claire Mathy, ex-infirmière, fait preuve de beaucoup d’humanité et de bienveillance dans ce récit, plein de sensibilité et de force d’optimisme. Et on ne peut que saluer le fait que les revenus du livre soient destinés à l’ASBL Pinocchio, qui s’occupe d’enfants et d’ados grands brûlés et à l’ASBL École et surdité, avec ses classes bilingues français/langue des signes (Sainte-Marie à Namur).
Isabelle Fable