Eric Dejaeger, chronique de la fin du troisième millénaire, Cactus Inébranlable éditions (2021, 84 pages, 8 euros).
Eric Dejaeger anticipe. L’auteur nous amène au 3ème millénaire. La réalité rejoint la fiction à travers un ressenti qui ressemble tantôt à aujourd’hui, tantôt au questionnement qu’on pourrait s’en faire : « Pour la première fois depuis près d’un siècle, une truite arc-en-ciel a été pêchée dans le Montana ». C’est dire qu’on n’imagine pas trop que les choses vont s’arranger… Eric agit entre surréalisme poussé parfois à son paroxysme, philosophie et humour, un de ses atouts majeurs.
Les chroniques sont écrites comme pour un vrai journal, datées au jour le jour avec une certaine conviction des évènements à anticiper. Pour un peu on y croirait, les dates elles-mêmes étant parfois respectées en décalage choisi : « 14-07-3000 Aucune prise de Bastille n’est signalée dans l’univers connu ».
Un humour assez particulier suscite assez souvent ce qui pourrait s’apparenter à une sorte de prévention nous ramenant à nos soucis actuels : « 28-09-3000 Des pluies aussi inattendues que torrentielles provoquent une catastrophe sur Diabétos, planète composée à 97% de sucre ».
Humour et avertissement relèvent ainsi de successifs faux constats pêchés dans l’actualité d’aujourd’hui projetée dans un futur fictionnel excessivement convaincant tandis que les lieux et références sonnent un peu à la façon des premiers romans de science-fiction des années 50-60.
Ce n’est pas pour rien qu’Eric dédicace son long travail à la mémoire de Jacques Sternberg, le génial auteur, entre autres, de « Sophie, la mer, la nuit » pour qui il a une grande admiration. D’autres références littéraires parsèment ainsi ses idées : « 14-06-3000 – Alors qu’il ramone son volcan, celui-ci explose, tuant net le célèbre Petit Prince ».
L’intrigue, s’il y en a une, ne peut, forcément, venir qu’au dernier jour de l’étrange année anticipée avec brio.
Patrick Devaux