Béatrice Libert  Visages de la grâce poèmes Strasbourg : Les Lieux-Dits éditions, 2024 ; Collection Jour et Nuit

A travers cette suite de poèmes, Béatrice Libert évoque d’une certaine manière la genèse du poème et envisage celui-ci comme étant un moyen d’inventer à chaque instant ce que nous sommes, ce que nous savons ; mieux, elle nous montre à quel point le poème peut donner des lettres de noblesse au sensible et des perspectives au réel que le quotidien fait apparaitre de manière très limitée(Le poème/Adore grimper aux arbres/Il lit l’hébreu des écorces/Le solfège des oiseaux/Les lignes dans la main/Des feuilles). Ecrire de la poésie, langue insoumise par excellence, revient quelque part à sortir de l’ordinaire léthargie(Le poème/ Brise l’enclos/Où geint la nuit/Nos rêves alors/ Marchent à l’étoile), à s’employer à « rendre » au plus près ce qui est, ce qui échappe au sens commun, à chercher en soi ce qu’il y a de plus réel(Le poème/Est une seconde peau/Une paroi poreuse/Un vitrail posé/Entre moi et moi) voire à semer le désordre dans les esprits trop formatés par nos sociétés policées, technocratiques et prétendument rationnelles. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il n’est pas question ici pour l’auteure de tenter de définir la poésie mais plutôt de célébrer celle-ci dans la faculté qu’elle a de mettre au jour les multiples facettes d’un monde qui nous échappe(Le poème/Est une oreille/Une main tendue/Un regard/Qui en dit long), d’ouvrir des portes en nous et autour de nous, de préserver le regard de l’enfance et d’initier une forme de pensée allant à l’encontre des savoirs constitués et dogmatismes en tous genres. Mais, je m’en voudrais de ne pas mettre en avant la musicalité des vers, la cohérence des métaphores et les « petites merveilles » disséminées au détour de chaque page pour faire de ce recueil une fête des mots, des sens et du cœur. Visages de la grâce est un livre à travers lequel, Béatrice Libert pose le poème comme étant un moyen de dire l’ivresse du réel absolu ainsi que d’accroître notre réceptivité à la beauté du monde, à ses dons et à ses…grâces.

Pierre Schroven

Le poème
Est un nomade
Le piéton
De nos destinées
Le randonneur
De nos nuits blanches
L’arpenteur
De nos cendres à venir