Michèle Garant Traversières, poèmes, Illustrations d’Albert Gatez, éditions Traversées, 2024, 100 pp., 20 €.
Un livre, des poèmes d’une simplicité remarquable. J’ai presque envie de dire : pas un mot plus haut que l’autre. Et dans son titre même, qui enjambe, d’un seul grand écart, deux mondes apparemment bien loin l’un de l’autre : les villages gaumais, et les pays, d’Amérique centrale et du Sud notamment, mais bien d’autres encore, parcourus par l’auteure. La souffrance, la pauvreté, le deuil, sont célébrés, mais avec une discrétion remarquable. Nous sommes bien loin ici de tout exotisme facile, de toute déploration excessive. Ecoutez-la plutôt : un mot, deux mots suffisent, et nous voilà dépaysés :
Pas de poème
Le temps avance et je n’écrirai pas
Avec les feux d’orage

Pas de poème en ostensoir
Dessus la mer de chaises paroissiennes

Juste un goût de novembre
Un brouillard frais et doux
Une question
Oblique

Nous voilà bien loin des orages désirés et de toute cérémonie…Chaque mot, ici, pèse son poids de terre, d’oiseaux, de vents, d’odeurs et de couleurs. Une sobriété remarquable. Oui, tout est réel ici. Il existe, chez Michèle Garant, des traversières qui permettent, par leur simplicité même, de passer sans bruit d’un continent à un autre, d’un sentiment à un autre, des drames mêmes du monde dit tiers à la simplicité d’un village gaumais. La poésie est d’abord économie : l’éloquence est dispendieuse, la sobriété rassembleuse. Et les illustrations d’Albert Gatez y sont tout à fait appropriées.

Ouvre les yeux
Un noyer danse

Dans nos souvenirs d’enfance, les traversières, au lieu de raccourcir le chemin, menaient tout droit à l’école buissonnière…il en reste un goût d’enfance perdue et retrouvée. Le monde est ce qu’il est, mais

La renouée qui s’accroche à tes berges
Vient des pays de l’Orient
Alliance étrange
Entre deux continents (Ma Rulles ma Semois)

Joseph Bodson