Terres levées Patrick Hellin, , poèmes, éd. Traversées, 2023,74 pp., en couverture : Le messager, de Jean Dutour
Etrange livre que celui-ci, avec déjà, en son titre, une sorte de trompe-l’œil : en effet, une levée de terre peut aussi bien désigner n’importe quelle élévation de terrain, mais plus spécialement, une sorte de remblai au bord d’un fossé, une fortification (défense, repli sur soi…), avec, comme un rappel, des images de vie et d’espérance, le pain, la germination…
Et cette ambiguïté va courir tout au long du recueil, avec une dominante toutefois de tristesse et même de désespoir. Les thématiques sont fortement marquées, en opposition le plus souvent, l’espoir – le désespoir, le feu – la cendre, la lumière – l’obscurité, la nuit – le jour, la parole-le silence, l’être – le néant, de façon plus étonnante peut-être encore, l’enfance et l’hiver.
« Mes instants sont des fourmilières – Une meute tapie sous une terre absente » (p.13)
« Le chant des haies, la danse des joncs – Tout s’éteint dans le ciel mourant – D’abord la cendre puis le désert – Où ces hommes vont et viennent » (p.22)
« J’attends un hiver nu, une moisson stérile
Que lèvera la terre » (p.29)
« Sous les paroles de cendre – parmi les chants d’eau et de sabre – Longtemps encore le cygne de l’enfance – Glissera dans les veines d’un ciel d’écume » (p33)
L’intitulé même des différentes parties du recueil (Quatrains – Terres levées – Veilleurs d’îles – Seuils d’absence – De néant et d’oubli ) va dans le sens de cette dichotomie, avec une prédominance des thèmes de l’échec, du désespoir. Mais il y a dans cette sombre beauté des nuits et des jours, de la présence et de l’absence, de l’enfance et du désespoir, une réelle beauté, une splendeur même qui pourrait sans doute servir d’antidote au pessimisme ambiant. Pour le lecteur, en tout cas, une source, si pas de plénitude, du moins de beauté et de joie, d’espérance violente et sans cesse remise en question.
La sombre beauté, peut-être, des jours derniers qui nous restent…
« J’abrite mes mirages – Lorsque, hôte de tes pas, – Naît un passage d’entre tes ombres – Cette ivresse où mûrissent les clartés ».
Joseph Bodson