Bertrand Misonne, Le Nouveau Michel H., Asmodée Edern, Uccle (2024, 22 euros, 160 pages)
Après un premier roman, Été 99, publié en 2023, Bertrand Misonne poursuit sur sa lancée avec Le Nouveau Michel H. au titre énigmatique. Comme il se doit, l’intrigue est amorcée à partir d’un personnage, Jean-Pierre, quinquagénaire et employé de banque. Une entrée en matière somme toute assez banale, mais qui va prendre son envol par la magie d’un simple coup de sonnette à la porte de son appartement. Jean-Pierre Lemaire traverse à ce moment une crise existentielle. Or ce coup de sonnette va le confronter à un abîme de possibles. Il comprend alors que « sa vulnérabilité n’est pas une faiblesse, mais l’avènement d’une nouvelle version de lui-même. »
À partir de là, le récit flirte avec le thème de l’écriture romanesque. La rencontre d’une éditrice fournira le prétexte à un échange sur la littérature, en particulier sur l’œuvre d’un certain Michel H., avatar de Michel Houellebecq. Solange, l’éditrice, propose à Jean-Pierre de devenir acteur de sa propre existence en incarnant le nouveau Michel H. C’est le roman dans le roman ou la mise en abîme, procédé qui n’est pas neuf, mais qui requiert une grande maîtrise. Jean-Pierre Lemaire s’attelle donc à la composition d’un roman censé contenir toutes les virtualités de l’œuvre de Michel Houellebecq.
Bertrand Misonne ouvre ici une parenthèse d’une vingtaine de pages sur les processus d’écriture. Conscient des risques de l’entreprise, il essaie d’être le plus concret possible en faisant appel à son vécu et à ses lectures. Enfin il avoue avoir sollicité « le concours d’une Intelligence artificielle. » Il nous explique comment ses recherches sur Boris Vian, Albert Camus et Michel Houellebecq sur Chat GPT ont stimulé son imaginaire au point de le livrer « en proie à une inextinguible frénésie créatrice. »
L’auteur poursuit ensuite le cours de l’intrigue. Le roman de Jean-Pierre Lemaire paraît : c’est un énorme succès. L’introduction d’une influenceuse, Millie, est l’occasion de brosser un tableau de société et de ses dérives, les réseaux sociaux et le harcèlement. Divers rebondissements réveillent l’intérêt du lecteur dont Bertrand Misonne souligne la liberté d’interprétation. Il va jusqu’à imaginer différents scénarios pour la fin et on se demande au final si c’est lui ou l’IA qui les a trouvés.
La dernière partie de l’ouvrage revient sur le phénomène de la création littéraire. L’auteur constate que la part de l’IA décroît au fur et à mesure de la progression de l’intrigue. Sur l’épineuse question de l’IA, il pense que son utilisation peut fournir des éléments intéressants, mais qu’un usage abusif conduira à « une fossilisation de l’intelligence humaine. » Nous voilà rassurés.
Relevons encore la qualité de l’écriture de Bertrand Misonne. En peu de mots il donne de l’épaisseur à ses personnages. Il emploie parfois un vocabulaire technique, ce qui est inévitable vu le sujet traité.
Jacques Goyens