Françoise Houdart, La jubilation de l’ange, poésie, Bleu d’encre 2024, préface de Michel Joiret (80 pages, 15 euros)

Est-ce l’auteure qui s’adresse à l’ange, est-ce lui qui lui glisse dans le creux de l’oreille questions et injonctions ? Sous l’apparence de confidences, imaginant une relation parfois ambiguë avec l’ange, Françoise Houdart se parle à elle-même, nous livrant sans doute ce qu’elle a de plus intime … Une parole toute intérieure qui creuse le passé, mais avec le regard à la fois ancré sur le présent et tourné vers le temps qui reste.
Ce qu’on lit tout au long de ces lignes poétiques : l’amour, des souvenirs, l’invasion furtive des doutes et l’incertitude des heures à venir ; et aussi cette crainte de n’avoir peut-être pas assez accueilli, peut-être pas assez aimé.
« Avons-nous assez célébré l’apparition du monde sous l’aile silencieuse d’un oiseau étonné/Avons-nous dessiné sur nos corps le geste coutumier de l’allumeur de réverbères/nous sommes- nous regardés ? ».

On y lit aussi -et combien !- la ferveur de vivre et la douceur ; comment ne pas le voir à travers des mots qui se répètent de poème en poème, comme aube, synonyme de renaissance, et oiseau, puisqu’« il suffit d’un seul oiseau/pour que la terre se souvienne/ de l’arbre/et qu’ainsi ne cesse de s’accomplir/le miracle des saisons ».

L’auteure témoigne d’une belle gratitude pour le monde qu’il lui est donné de vivre.« Grâce/ pour n’avoir pas désappris/la saveur de chaque aube/nouvelle », dit-elle.
Et plus loin : « Ma lumière n’a été graciée/que de la peine des éclipses/je ne vois/à la périphérie des objets qui me hèlent/que le frémissement d’une nuit/à venir ».

Le thème même de l’écriture, si essentielle, inséparable de sa vision de la vie, est très présent. Notons d’ailleurs le dessin de la couverture (de Renild Thiébaut), où l’on peut deviner l’image de l’auteure au travail sous l’aile de l’ange qui veille ; « Ecrire/pour la délectation du mot/comme écouter le tableau intérieur/dans la jubilation du dévoilé/juste avant que l’image/soit ».

Si la première partie du recueil est lyrique et généreuse en métaphores, la seconde (Effeuillements…) s’écrit en poèmes brefs, comme des notations/ des pensées effeuillées au rythme de la marche. L’on y reconnaît bien l’amoureuse des échappées cantaliennes, des grands arbres et de la nature complice.
« au jardin des étoiles chues/j’écoute la respiration de l’univers en marche/entre deux écluses/d’aube ».

Martine Rouhart