Eric Dejaeger, Streets (Loufoqueries citadines), éd. Gros textes.
Eric Dejaeger double la mise: nous terminions à peine de recenser son Petit Jésus, que voici un recueil de poèmes qui fait concurrence à la toponymie de nos cités.
Ne vous est-il jamais arrivé de rêver que l’on vous donnait à baptiser les rues d’une ville? De redresser des noms mal plantés? Il y a longtemps que les Lilas sont fanés, porte des Lilas. La Rue de l’escalier est en plan incliné. Mais on peut toujours s’embrasser, rue des Quatre Bras…
Eric, lui, s’en est donné à cœur joie, car l’imagination, c’est son point fort. Ecoutons-le plutôt, cela vous en dira plus que de longs discours:
52nd Street: La Rue aux Rouges-Gorges/est maladivement peureuse:/au moindre bruit/elle part se cacher/derrière une autre rue/au grand dam des passants/qui doivent faire preuve/d’un excellent sens/de l’orientation/pour s’y retrouver.
42nd Street: La Rue aux Ecchymoses/au nom si difficile/à orthographier sans faute/ -100 € d’amende/par erreur – /sera bientôt rebaptisée/sous la pression populaire/Rue aux Cocards.
41st Street: C’est marrant d’observer/les piétons qui s’engagent/dans la Rue du Pied-Qui-Chatouille:/penchés/courbés/pliés/ils avancent en se grattant/un panard./les plus pressés/progressent à cloche-pied/pour se soulager/plus facilement/de la démangeaison/& perdre/le moins de temps possible.
Finalement, puisque, en ce domaine, les pétitions sont admises, on pourrait peut-être proposer Eric De Jaeger en tant que consultant de la Commission royale de toponymie et de dialectologie.
Joseph Bodson