Léon Losseau embarque sur « Le bateau ivre » à Mons
La Maison Losseau à Mons est un lieu unique où la littérature tient presque toute la place. Presque puisque, à l’origine, elle fut la propriété d’un notable passionné de culture et dont l’aménagement Art nouveau reste une autre bonne raison, historique et artistique, de la visiter. La Province de Hainaut vient de la restaurer admirablement.
Le jardin, reconstitué, accueille en été la « Guinguette littéraire » qui anime des lectures, des récitals, des concerts, des interviews. La suite des lieux est consacrée à une bibliothèque essentiellement concentrée sur les auteurs hainuyers, un centre d’interprétation, des archives. Dans cette optique vouée au livre, il était naturel que des expositions temporaires soient organisées.
C’est le cas, par exemple, des travaux réalisés en ateliers créatifs qui détournent l’objet imprimé en vue d’en faire une œuvre d’art. C’est aujourd’hui le cas avec le rassemblement de diverses interprétations graphiques du « Bateau ivre » d’Arthur Rimbaud.
Un poème de Rimbaud enrichi
L’endroit est d’ailleurs particulièrement adéquat. En effet, Léon Losseau fut celui qui découvrit, un peu par hasard, dans une imprimerie bruxelloise, les exemplaires de « Une saison en enfer » que le poète n’avait jamais payés. Cette découverte permit ainsi de les sauver de la destruction et donc d’éviter leur disparition.
Les artistes qui ont associé le poème rimbaldien à des éditions à tirage limité viennent de France, évidemment, et d’Allemagne ; ensuite d’Italie, Hongrie et Belgique. Les techniques utilisées pour accompagner les strophes sont diverses : collage, pliage, découpage, gouache, aquarelle, gravure, xylographie, linogravure, acrylique, pigments…
En général, le travail de la typographie s’essaie à transposer visuellement le contenu du texte. Chez Chamchinov, les strophes prennent une allure de fleuve ; une installation se concrétise en feuillets traités comme des voiles de navire. Les recherches d’adéquation entre les vers et leur présentation portent aussi bien sur l’espace que sur la surface des pages. Certains mettent en regard des traductions en une ou plusieurs langues étrangères, y compris en picard grâce à Rose-Marie François.
Un des créateurs a imaginé une mise en page qui suit le déroulement de la voix de Léo Ferré quand il chante le poème. Il arrive aussi que, en dehors des papiers artisanaux de grande qualité, le support se pare d’originalité. Ainsi l’intrigant ruban de Moebius en tôle de Fandol et Quérel.
Les styles sont évidemment eux aussi diversifiés. Il y a la stylisation épurée d’Anne Arc ou celle d’Hermann Rapp. Les peintures fluides à l’encre de Chine de Nicolaus Werner, formes et mots flottant dans une ambiance bleue. Il y a les empreintes minimalistes de Marc Vernier comme les illustrations polychromes un peu enfantines et joyeusement lyriques de Bernadette Planchenault.
Le réalisme fantastique d’Helmut Hannig rejoint celui de Claire Illouz. Celui de Huyghebaert s’aventure vers l’expressionnisme (voir illustration). Et bien entendu, l’abstraction ne fait pas défaut avec Dietrich Lusici, Marianne Montchougny ou d’Yves Picquet. Tous donnent l’envie de les feuilleter, de toucher leurs pages mais il faudra se contenter de les admirer pour ne pas porter atteinte à leur fragilité.
Michel Voiturier
À la Maison Losseau, 37 rue de Nimy à Mons
Ouvert jusqu’au 27 août 2017
Infos : 065 39 88 80
www.maisonlosseau.be