Lorenzo Cecchi, Blues Social Club, nouvelles, Cactus Inébranlable éditions, 116 pages, 15 euros
Sept nouvelles qui font mouche, tant on sent proche des situations, des personnages, de leur attitude face aux contingences de la vie.
Le 4è de couverture ne l’invente pas, à chaque fois, l’on est pris d’abord gentiment par la main pour rentrer dans une histoire et, très vite, malgré nous, sans qu’on puisse rien faire pour s’en détourner, l’on est entraîné « dans les arpèges », dans des notes de plus en plus hautes, et l’on ne devine jamais où elles finissent pas retomber.
Lorenzo Cecchi sait mettre des mots légers sur des sujets graves, et c’est bien là un des charmes de ce recueil. Léger sans être superficiel, léger malgré la profondeur des propos.
Certaines nouvelles m’ont particulièrement touchées, ce qui ne veut pas dire que les autres sont moins réussies, mais chacun trouvera plus ou moins, dans l’une ou l’autre, un écho à sa propre sensibilité.
» La dispute », un récit d’une cruauté tendre met en scène un romancier déjà âgé, animateur d’un club d’écriture, que le succès a toujours boudé et qui se trouve confronté au talent et à la « réussite « littéraire de son jeune élève. La « douleur » de l’écrivain, la peur de se voir relégué dans la fosse commune des has-been, les petites jalousies sans doute hélas inévitables dans le monde littéraire, sur tout cela, l’auteur a une vision à la fois lucide et pleine de saine dérision…
« Apparition miraculeuse », comme « Le sac à dos », nous renvoient à cette vérité, à la fois évidente et mystérieuse : nous sommes tous bien plus seuls que nous l’imaginons. Des autres, et même de nos proches, nous ne savons en fin de compte pas grand-chose. Nous sommes une nuée de solitudes démultipliées séparées par une distance interstellaire, souvent emmurés dans notre vie, rétrécis à nos petites préoccupations, et pourtant, nous avons tous besoin les uns des autres…
Le style vif, parfois truculent, souvent tendre, sert parfaitement l’auteur par un jeu constant, un va-et vient entre fiction et réalité, entre les personnages inventés et lui-même.
« Les jours suivants, les week-ends exceptés, Le Gambrinus devint un but de visite quotidien. J’y pensais sans cesse. L’endroit me devint donc familier- bien que peu propice…aux familiarités- avec son unique client mentalement absent et son taciturne patron râleur chaussé de santiags, vêtu d’un jeans étriqué et d’une chemise pas nette… » (extrait de Apparition miraculeuse).
Martine Rouhart