Pascale Toussaint, Audrey H., Edition Samsa 2017
Audrey H. est bibliothécaire. Elle vit avec Jean, photographe. Un jour, elle est sollicitée par Bérangère, sa collègue, pour écrire la biographie de Luigi Vrancken, pianiste belge, célèbre dans les années d’après-guerre. Audrey aime beaucoup les biographies. Elle nourrit une grande admiration pour Audrey Hepburn, actrice née à Ixelles en 1929.
Au début du roman, on est immédiatement saisi par une question : qui est le je qui raconte ? À première vue, c’est la narratrice, personnage issu de l’imagination de l’auteur. Cependant, en dépit de toutes les astuces déployées par celle-ci pour se cacher derrière ce je, on ne peut que s’interroger sur son identité. Ce thème est en effet au cœur du roman. Audrey H…. H. comme Hepburn ou T. comme Toussaint ? Les indices ne manquent pas.
Audrey H. vit une relation difficile avec sa mère. Arrivée au crépuscule de la vie, celle-ci doit entrer en maison de retraite, situation pénible autant pour la fille que pour la mère. Audrey n’échappe pas à un sentiment de culpabilité. Il y a à ce sujet un chapitre d’une concision effroyable (pages 102-103).
Ce roman est un roman de femme. Le thème du féminisme y est abondamment traité. Notamment par le biais de L’agenda permanent de la femme, publié dans les années soixante. Audrey s’intéresse à la Correspondance de Colette, à Duras, Bardot, George Sand.
Ce roman est aussi celui de la Belgique et de Bruxelles, ville où habite l’auteur (J’habite la maison de Louis Scutenaire, Weyrich, 2013). Pascale Toussaint, alias Audrey H., revendique sa belgitude et sa bruxellité : Ostende, Schaerbeek, la Parc Josaphat, le tram, le Conservatoire et la musique belge, le concours Eugène Ysaye, etc.
Quant à l’écriture, elle est éminemment suggestive, concise, allusive, chargée de non-dit et de silences lourds de sens. Souvent Audrey s’exprime au cours de conversations avec Jean, son compagnon. Celui-ci, avec beaucoup de bienveillance, lui donne son avis, sans jamais le marteler. Ajoutons que le français de Belgique n’est pas ignoré, encore moins méprisé : femme à journée, loque à reloqueter, couque, spéculoos, etc.
Finalement qui est cette Audrey ? La narratrice, son Pygmalion ou Audrey Hepburn en personne ? Le mystère demeure entier. Le miroir, très présent dans le récit, ne renvoie que l’image qu’on lui présente. La rédaction de la biographie de Luigi Vrancken aura-t-elle apporté à cette fille mal aimée, la sérénité lui faisant défaut ? Si tu avais vu ce soir comme nous avons ri… (dernière phrase.)
Jacques Goyens