Harry SZPILMANN, Petite suite désertique, Le Coudrier, 2017, 108p., 16€.
Lecture intéressante de « Petite suite désertique » de Harry Szpilmann, jeune poète belge, dont c’est le sixième recueil publié, ici au Coudrier.
L’ont précédé trois recueils au Taillis Pré, deux au Cormier.
Sept photographies atomisées, éléments minéraux agrandis jusqu’à devenir des constructions esthétiques abstraites, accompagnent ces textes brefs : d’une part, des poèmes versifiés, d’autre part, des aphorismes en petites proses accolées.
Le poète épuise les ressources d’un univers fait de silence, d’une lumière « qui ne tombe sur nos paupières/ que pour mieux nous léguer/ sa part d’obscurité » (p.34), d’une bonne dose de « terre annulée » « au creuset de l’absence » (ibid.), de « mirage/ de la vraie vie » (p.47), de signes que le lecteur prendra plaisir à éclairer, selon ses grilles de lecture : en termes d’attente, d’errance féconde « transhumant entre les éclats/ mutiques d’un silence » (p.31).
Une bonne centaine d’aphorismes forent un peu plus cette matière inépuisable, à l’aune des « grains » et poussières :
« Ne plus écrire que dans l’espoir de faire du silence sa demeure » (p.94)
ou
« Notre traversée du désert n’aura été que vaine si notre parole échoue à y moissonner un regain d’ombre et de lumière » p.78)
« Lorsque la blessure s’ouvre et se découvre saturée de poussière, il ne nous reste plus qu’à faire alliance avec la rêche hostilité de nos déserts » (p.70)
Sans doute pourra-t-on reprocher à l’auteur de répéter certains motifs ou d’abuser un peu des formulations restrictives (ne…que), mais ce sont là broutilles à côté de l’intense réflexion, quasi théodore-monodienne de ces « espaces » livrés à l’imaginaire d’un auteur qui n’a guère choisi la facilité mais s’est donné pour mission d’objectiver au plus près ces matières, toutes de particules de vie, de mort, de silence, qui nous poussent sans cesse à une exploration intérieure – ce dont on lui saura gré.
L’écriture, côté poèmes, est sans doute plus intense, dans la densité que le poète offre aux vocables dans des rythmes qu’aèrent des distiques :
« Il nous aurait fallu être
d’une autre humanité
pour que nous eussions pu
nous sustenter
de torrents faméliques,
de cailloux pyrogènes,
de trop rares signes
spoliés à nos astres occis » (p;25)
Le poète attise toute réflexion sur notre place dans la complexe agitation du monde, astres et terre saisis dans le même mouvement de la pensée.
Un bon livre.
Philippe Leuckx