Jean RIVART (Joseph Duvivier)
Les Pinsons, 25,
Allée des Oiseaux
7000 MONS
Tél : 065/34.69.15
1) Éveil de ma vocation
Ma mère était choriste lyrique professionnelle depuis l’âge de 17 ans. Mon grand-père fut longtemps accessoiriste du Théâtre de Mons. Normalement je fus rapidement plongé dans le milieu de ma vocation.
En 1925 ma mère participa à un grand spectacle du Théâtre Wallon et m’entraîna dans la figuration. J’avais quatre ans et mon premier souvenir de cette vocation à venir, c’est de promener avec maman. Je n’en retiens que le plancher de la scène du Théâtre de Mons.
Plus tard, vers les dix ans, de nouveau je figure, mais cette fois, plus engagé, dans divers opéras, dont la Tosca, la Juive, Louise, la Bohème, et même, figuration chantée dans Werther, également et surtout comme petit soldat de la « garde montante » dans Carmen.
Plus tard encore, des prestations d’imitateur des grandes vedettes de l’époque : Maurice Chevalier, Charles Trenet, Fernandel et même Rina Ketty. A 18 ans, je pouvais encore me produire en voix de femme. C’est ainsi que je participe dans la grande salle de la Halle à Mons à un spectacle de variétés organisé pour les soldats rappelés – ils étaient au moins 700. Bien présenté dans une robe espagnole de la garde-robe maternelle, mantille et maquillage, j’attaque Sombreros et mantilles et je rate ma voix féminine dans un superbe couac qui déclenche un rire effrayant. Je ne perds pas le nord, je poursuis ma prestation avec une voix féminine plus que faussée et gesticulations à l’appui. Je remporte un gros succès de rire. Je venais de découvrir que j’avais des dons de comique, ce qui donna son réveil à ma véritable vocation. Cela se passait le 28 avril 1940. Deux semaines plus tard c’était la guerre. Dans le courant de celle-ci, je pus participer dans des petits rôles d’opérettes prestées dsur la scène du Ciné Patria à Mons. J’obtiens même ma première critique dans les journaux : « Dans son rôle de comique aubergiste, Duvivier est un jeune qui promet. » Je deviendrai Rivart plus tard.
Dans le rôle du Ropïeur du Jeu de Mons et du Borinage en 1947 et 1948. J’avais 25 ans
2) Le Conservatoire
Je suis les cours de déclamation et d’art dramatique au Conservatoire Royal de Mons et j’obtiens mes premiers prix en 1949 et 1950. Après le Conservatoire, je m’inscris à une session de comédie à Paris organisée par le journal Opéra. En fin de session, je suis proclamé premier et seul apte à pouvoir me présenter déjà comme comédien dans les théâtres de Paris.
3) Départ dans la comédie
Avec des compagnons du Conservatoire, je reçois des engagements de comédie au micro de Radio Hainaut.
D’autre part, on organise à Mons une épopée historique présentée sur le parvis de la Collégiale Sainte Waudru sous le titre de Jeu de Mons et du Borinage. De nombreux tableaux partant de l’époque nervienne jusque la guerre de 40-45, une figuration colossale et trois rôles principaux : le Tribun, la Nervienne et le Ropïeur. Dans ce rôle que je reçois pour évoquer l’esprit frondeur de Mons, je me présente sous le nom de Jean Rivart, et par le succès obtenu j’attaque enfin ma carrière sous ce pseudonyme.
4) Théâtre en Rond
Toujours entouré de mes compagnons du Conservatoire, j’organise des représentations de comédie sous l’appellation Tournées du Château. J’écris pour les faire jouer mes premières comédies en français qui ont pour titre Trois contre Une – Les Agasses – Quatre Cœurs – Rencontres – Sabine.
Ayant découvert l’existence à Paris d’un Théâtre en Rond, je m’y rends pour prendre connaissance de la formule. Dans le même but je prends contact également avec le Piccolo Teatro de Milan. J’obtiens à Mons l’organisation d’un spectacle dans le cycle des Galas de l’Industrie, et je présente avec ma jeune troupe une pièce de Paul Nivoix intitulée Amours, jouée sur une scène surélevée au centre de la Salle des Concerts et Redoutes du Théâtre, le public tout autour. Premier spectacle « en rond » de Belgique.
Je reprends la formule durant cinq ans à partir de 1950, d’abord dans la Salle Saint Georges, ensuite dans la Salle des Commissions de l’Hôtel de Ville. Quatorze pièces auront ainsi été jouées par ma jeune Troupe. Surtout des pièces classiques, de Molère, Musset, Marivaux, Feydeau, Pirandello, Sartre, et même Rivart puisque j’écris une pièce spéciale pour la formule « en rond », sous le titre de Rue Saint Espoir.
Mon Théâtre en Rond remporte de beaux succès. J’en reçois encore des échos élogieux cinquante ans plus tard.
5) Artiste lyrique
J’avais entre-temps commencé à développer ma carrière lyrique grâce à l’appui de Marcel Delsaux, directeur du Théâtre de Mons, ami d’enfance de ma mère. Il me confie des rôles de plus en plus importants dans l’emploi de trial-fantaisiste.
Mon Théâtre en Rond ferme ses portes quand je démarre à fond dans cette voie lyrique où je me fais connaître dans la plupart des Théâtres de Belgique, à
Verviers, Huy, La Louvière, Tournai, Arlon, Charleroi, Liège, Mons, Namur. Mais aussi en Flandre, à Louvain, Ostende, Blankenberge, et même à l’Opéra de Gand, mais toujours dans des ouvrages en français.
Dans le rôle titulaire de l’opérette Ignace au cours de ma carrière de trial-fantaisiste. J’avais une quarantaine d’années.
Aux fêtes de fin d’année 1957, je passe la frontière et poursuis ma carrière, toujours dans l’emploi de trial-fantaisiste, d’abord à Tours, puis Angers, Boulogne, Calais, Draguignan, Reims, Tourcoing, Roubaix, Marseille et Bagnères-de-Bigorre notamment.
Jean Rivart est maintenant connu et reconnu sur les scènes lyriques de Belgique et de France. Fait exceptionnel, je serai même engagé pour participer à l’Ile Maurice à la célébration des 150 ans du Théâtre de Port-Louis. Ayant atteint l’âge de 50 ans, à cette occasion je change d’emploi pour devenir Grand premier comique, emploi très intéressant servi par des rôles superbes comme celui de Gaspard des Cloches de Corneville, ou encore l’abbé Bridaine dans Les Mousquetaires au couvent. Deux mois d’opérette à Port-Louis, c’était extra, mais également douloureux, vu le climat et le nombre important de représentations.
L’expérience fut toutefois très intéressante.
6) Le Royal Théâtre Wallon Montois
Le Jeu de Mons et du Borinage m’avait procuré une sérieuse réputation, ce qui me valait de recevoir l’appel du Royal Théâtre Montois pour devenir membre de la Société, et tenir l’emploi de jeune premier pour les représentations montoises. Le 2 mai 1952 je m’engageais dans la voie dialectale. D’abord interprète et chanteur des Cabarets Wallons, je commence assez rapidement à écrire mes propres chansons dont notamment celle qui deviendra un grand classique du répertoire, El’ Place de d’vant.
En 1954, le metteur en scène Charles Navez vient à décéder. On me demande de prendre sa succession.
De plus en plus engagé dans ma carrière lyrique, je dois toutefois limiter mes prestations pour le R.T.W.M. aux Cabarets de la Ducasse et au spectacle traditionnel de la Fête de la Wallonie en septembre. Mes prestations seront de plus en plus fréquentes lorsque ma carrière lyrique commencera à décliner. Et comme le R.W.T.M. avait accès à la Radio pour y jouer des pièces wallonnes près d’une dizaine de fois par an, le répertoire traditionnel s’épuisa peu à peu. Et je me lançai alors dans l’écriture de mes pièces wallonnes.
Au départ je fis une adaptation de ma pièce Rencontres écrite en français pour devenir en patois Arrière-Saison.
En écrivant Les Trois Fleurs de Messines, dont la trame se dessine dans le traditionnel folklore du printemps, cette nouvelle pièce remporta un tel succès que la Télévision s’y intéressa.
Parmi mes pièces dialectales suivantes, cinq autres auront encore les honneurs de la T.V.
Ce sont :
Bouboule, intrigue inspirée par le racisme anti-noir.
Les Agasses, qui avait déjà été écrite et jouée en français.
Phonse, véritable drame en pastiche de l’opéra Faust et encore Batisse à Bethéem, où les personnages Batisse et Lalie, devenus à Mons un couple similaire aux Tchantchès et Nanèsse liégeois, en voyage à Bethléem hériteront d’un nouveau-né juif dont les parents sont arrêtés. Ils l’appelleront Georges dont la vie tournant au drame, tentera de démontrer que si Jésus revenait sur terre il subirait encore une fois une fin tragique.
Batisse à Bethéem, ma pièce-fétiche, sera jouée plusieurs fois sur scène, également à la Radio, et enregistrée par la T.V. où elle sera diffusée à six reprises.
Parmi mes trente-sept pièces wallonnes dont la plupart sont des comédies, deux d’entre elles seront des ouvrages lyriques :
Allez, l’Albert, opérette à grand spectacle sur une musique de Marcel Delsaux.
Moneuse, opéra-bouffe, avec le même compositeur.
Chemin faisant je poursuivais ma carrière dialectale de comédien et chanteur, puis metteur en scène. En 1984 je devenais vice-président de la Société, puis président en 1991, succédant au docteur Louis Leborgne décédé. J’ai animé une Amicale et son bulletin No Maison durant trente ans. Dans ce bulletin j’ai raconté progressivement l’historique du Royal Théâtre Wallon Montois.
A ce jour, comme bien d’autres sociétés dialectales, notre R.W.T.M., fondé en 1888, continue de survivre péniblement. Terminé l’accès à la T.V., à la radio…et des conditions de location de salle dépassant nos moyens mettant fin à nos représentations scéniques…J’espère que notre Société réussira à survivre, et je croise les doigts…Aujourd’hui même nos Cabarets Wallons commencent à perdre leurss plumes. Alors… ?
7) Distinctions et décorations.
Je ne puis poursuivre l’inventaire de mes deux carrières, l’une en français, l’autre en patois de Mons, sans faire mention des quelques distinctions dont j’ai été honoré.
1. Prix de Mons attribué par la Société Royale des Montois de Bruxelles dans le courant des années 1900.
2. Prix Radio 1994 attribué par la S.A.C.D. pour faire honneur à mes divers écrits radiophoniques dialectaux.
3. Prix Emile Poumon attribué par l’A.R.E.W. en 2008.
4. Picard d’Or attribué par le Centre culturel Montois en 2008.
5. Officier de l’Odre de Léopold II en 1990 à l’occasion de mes 40 ans au service du R.W.T.M.
6. Officier de l’Ordre de la Couronne. Devenu président du R.W.T.M. en 1993, j’avais introduit une demande de distinctions pour quatre de nos anciens. J’obtiens pour eux trois titres de Chevalier de l’Ordre de la Couronne et un titre de Chevalier de l’Ordre de Léopold II. Bien que n’ayant rien demandé pour moi, spontanément je suis inscrit sur la liste de ma requête, et je reçois le titre d’Officier de l’Ordre de la Couronne.
7. Officier de l’Ordre de Léopold Ier. Le R.T.W.M. ayant célébré mes 50 ans au service de la Société, je reçois cette troisième distinction dans les ordres nationaux.
8) Auteur de productions dialectales.
Ma pièce Jimmy, écrite sur fond de guerre, met en scène un jeune aviateur américain dont l’avion avait été abattu par la D.C.A. allemande, et recueilli par un vieux Montois.
De cette pièce je décide d’écrire un roman portant le même titre écrit en 1988.
Mon roman intéresse madame Pierrette Bérenger, auteur dialectal de Provence. Celle-ci me demande l’autorisation d’en écrire une version provençale. Avec mon accord, mon roman Jimmy devient Istori da Jimmy dans la langue de Mistral publié et diffusé à Marseille, en 2002.
En 2005, je réunis 85 titres de mes poèmes et chansons montois en un recueil portant le titre de Queues d’ Co éié caups d’ queue.
En 2010, nouveau recueil portant le titre de 37 Singeries de Jean Rivart consacré à mes pièces de théâtre patoisant.
En 2011, je rassemble 158 pages parues dans le bulletin No Maison de 1994 à 2010, consacrées à l’historique du R.T.W.M. Ce recueil a été tiré à quelques exemplaires destinés notamment aux bibliothèques et personnalités consacrées aux langages de notre Wallonie.
Un tirage commercial suivra prochainement.
9) Carrière lyrique –suite.
En représentation au Théâtre de Reims alors que j’étais toujours en activité lyrique, le directeur de ce théâtre, le metteur en scène et le chef d’orchestre me proposent de participer à la confection d’une nouvelle opérette et d’en écrire le livret et les lyriques avec projet de la programmer. J’accepte et me mets à l’ouvrage. Le chef d’orchestre décède et sa partition n’est pas achevée. Affaire classée.
En 2006, Claude Quinet, directeur du Palais des Beaux-Arts de Charleroi, réanime le projet, termine la partition musicale et me demande d’achever les lyriques mis en veilleuse.
L’ouvrage se termine et la création a lieu en novembre 2008 dans la Salle des Fêtes de l’Hôtel de Ville de Charleroi. Création chaleureusement accueillie par une salle bien remplie. L’opérette Escales frénétiques a ainsi pu prendre sa place dans le répertoire de l’opérette moderne.
Vu le succès remporté, il est projeté de reprogrammer cette nouvelle opérette dans la salle du palais des Beaux-Arts de Charleroi. A ce jour, j’attends la réalisation de ce projet.
Ma carrière lyrique terminée en 1996 refait ainsi surface dans ma fonction d’auteur.
Un autre avenir ??? On peut toujours rêver…