Annemarie Trekker, Les maisons de pierre, L’Harmattan, 170 pp, 17 €.
On est choisi par les lieux, ils s’emparent de notre être, nous dit la quatrième de couverture. Et pourtant, Annemarie Trekker est tout le contraire d’une femme faible et influençable…
Son récit – récit de vie, on ne pourrait mieux dire – est fortement ancré/encré sur des symboles: celui des trois plumes, celui des deux couleurs de pierre, Ardenne et Périgord, avec, en contrepoint, la quête d’un père symbolique lui aussi. Sa mère mourante avait bien dit: Il faut que la famille reste unie, et ce sentiment, cette volonté, Annemarie Trekker le porte profondément en elle.
Il s’agira donc, en quelque sorte, de reconstruire, et le choix se fera lentement, guidé à la fois par la recherche et l’intuition Les métaphores viendront à la rescousse, métaphores qui sont celles de la réalité et portent en elles un sens profond: celles du beau linge, du jardinage, de la cuisine. Et, après Tellin, viendra Célé dans le Lot, qui entraînera Daglan dans le Périgord. La quête du lieu est essentielle à l’appartenance de l’homme au monde. Le Temps du rêve, cette mythologie où présent et passé ne cessent de se mêler et de se fertiliser, de se réinventer, est ici essentiel. Les aborigènes, dont il est beaucoup question suite à la correspondance avec un jeune ethnologue, peignent leurs rêves et les inscrivent sur une géographie imaginaire des territoires. Ne pas peindre sa terre, c’est la laisser mourir, c’est la rendre aux ténèbres. La réaction de la psychologue: Mais que désirez-vous vraiment?, et sa réponse à elle: Je voudrais vivre à la campagne, dans une vieille ferme, auront été ici déterminantes.
Ce qui nous frappe surtout, c’est ce sentiment d’une jeunesse intérieure qui ne s’affaiblit pas, où elle peut puiser la force de faire de nouveaux rêves. Il lui faut juste y adapter sa propre confiance d’elle-même, ajuster l’objectif. Oser l’inconnu. répondre aux défis de la vie en choisissant la voie la plus ardue.
Et, comme elle nous le dira p.152: Un livre, c’est un peu comme une cabane. Peut-être pourrions-nous dire, comme les apôtres lors de la Transfiguration, une cabane pour l’éternité. Car il y a aussi une part d’éternité dans les maisons.
Et reprendre sa vie en suivant ce fil rouge, c’est aussi, comme disait Camus, s’aider soi-même et aider les autres à vivre.
Joseph Bodson