Annie Préaux, Bird et le mage Chô, roman, éd. M.E.O.
Thème central de ce roman: ils sont plusieurs, en fait, mais noués d’un lien quasiment indissociable. Une question: qu’arrive-t-il à tous ces gens, et ils sont nombreux tout autour de nous, qui, tout d’un coup, perdent ce qui était le cadre, et même le centre de leur vie? Une jeune femme, par exemple, une commerciale, qui réussit bien dans sa profession et qui, du jour au lendemain, se fait virer sans raison valable? Ou ce professeur, agressé par un élève musulman qui a refusé de respecter la minute de silence qui fait suite à l’attentat contre Charlie hebdo? A quoi vont-ils bien pouvoir se raccrocher? Comment vont-ils pouvoir, littéralement, se refaire et repartir dans la vie?
Un roman réaliste, donc, roman d’analyse des caractères. Mais il y a aussi la part de poésie, de fantaisie. Il y a ce roman, Bird, que Jean-Marc presse Sandrine de lire, parce que lui-même veut renouveler cette expérience, et faire d’elle l’héroïne du roman qu’il veut écrire. Une sorte de miroir, ou de quatuor. Elle va hésiter longtemps avant de répondre à ce projet. C’est qu’elle est retournée dans le Haut-Pays (Roisin, Montignies-sur-Roc pour ceux qui ne connaissent pas encore), qu’elle a eu la chance d’y rencontrer quelques personnages hors du commun, qui vont l’aider à refaire sa vie. Notons au passage que les personnages dits « secondaires » sont traités ici avec beaucoup de soin, et sont très attachants. Jean-Marc, de son côté, prend son courage à deux mains, et va oser se représenter, à la rentrée, devant ses élèves: la vie continue…
Poésie, fantaisie, réalisme: il y a ici un va-et-vient constant entre la réalité et la fantaisie, ce qui donne au roman une allure un peu nervalienne. Les vieilles chansons du Valois sont remplacées par le jazz, et cela fonctionne tout aussi bien. Tout cela est servi par un style nerveux, primesautier, avec des passages à un tempo accéléré lors des scènes ou la tension se fait plus grande.
Et l’on en revient à la question capitale, sans doute, que se pose Jean-Marc, et que beaucoup doivent se poser: comment éradiquer cette espèce de désespoir, sans lequel il ne serait sans doute pas lui? Ne serait-ce pas que ce désespoir nous fait plonger jusqu’au socle primordial, l’expression la plus nue et la plus fondamentale de nous-mêmes, et que c’est sur ce socle que nous devons nous reconstruire, en écartant tout ce qui est adventice?
Joseph Bodson