L’atelier de Lyne et la peinture sur porcelaine
Elles sont six, artistes confirmées et reconnues chacune dans leur discipline (dessin, aquarelle ou peinture à l’huile). Une passion commune les réunit à Wépion, à l’ATELIER DE LYNE, bien connu des amateurs d’antiquités. Elles remettent à l’honneur un art tout en finesse, en délicatesse et en sensibilité : la peinture sur porcelaine.
Connue des Chinois depuis des millénaires, la porcelaine a été ramenée en Italie par Marco Polo en 1295. En 1497, Vasco de Gama ouvre la célébrissime route des Indes par le détroit de Bonne-Espérance. Aussitôt les mercatores anglais, hollandais, français s’y engouffrent sous les divers pavillons des Compagnies des Indes. De Chine, ils ramènent des cargaisons entières de ce qu’on a appelé la porcelaine dure à la façon chinoise. Durant deux siècles, les céramistes tentent vainement de découvrir la formule de sa blancheur parfaite et de sa transparence. A Florence, François de Médicis croit y arriver. Il fabrique une céramique de grande qualité qui n’atteint cependant pas la perfection de celle de Chine. On l’appellera plus tard porcelaine tendre à la façon de Florence. La France adopte également ce type de fabrication, de même que les ateliers de Bruxelles et de Tournai.
- Un certain Johann Freidrich Böttger perce enfin le mystère : la blancheur de la porcelaine serait due au kaolin. Clin d’œil du hasard : c’est en palpant le talc de sa perruque qu’il en aurait eu l’intuition. Son commanditaire, roi de Pologne et électeur de Saxe, n’est pas pressé de proclamer urbi et orbi la bonne nouvelle. Il impose un silence absolu autour de la découverte, ce qui permet à la porcelaine de Saxe de s’imposer comme première référence en Europe.
Qu’est-ce qu’un secret, sinon une révélation différée ? Un demi-siècle plus tard, les Français découvrent près de Limoges un site d’argile très blanche. Quelques décades plus tard, la porcelaine de Limoges rivalise de beauté et de luxe avec celle de Saxe. Fascination et engouement enflamment toutes les cours royales et princières, tous les cénacles aristocratiques. En France, Louis XV prend sous sa protection la manufacture de Vincennes qui sera transférée à Sèvres en 1736 et prendra le nom de Manufacture Royale de Porcelaine. Pas question de laisser s’échapper des profits plantureux !
Au retour de Chine en 1295, Marco Polo donna son nom à la mystérieuse céramique qui remplissait ses cales. Il l’appela porcellana, du nom d’un merveilleux coquillage translucide aux reflets irisés et nacrés.
En Belgique francophone, quelques manufactures importantes – Bruxelles, Tournai, Baudour – parviendront à une notoriété internationale. A côté d’elles, la production restera le fait de petits ateliers familiaux qui, malgré la qualité de leur production, ne pourront pas se hisser à un niveau industriel rentable. C’est notamment le cas de Mons et surtout d’Andenne.
Photos de Jean-Marie Pierson
Décors anciens, décors modernes
Les décorateurs attachés aux sites de production ont peu à peu imposé leur style qui s’est perfectionné ensuite au fil des générations. Avec un peu d’habitude, on les reconnaît aisément tant ils sont caractéristiques.
L’atelier de Lyne a donc remis à l’honneur cet art raffiné selon des méthodes traditionnelles. Les pigments empâtés à l’essence grasse et dilués à la térébenthine sont tantôt posés par petites touches de fins pinceaux (technique du posé-levé), tantôt écrasés à l’aide d’un pinceau biseauté dénommé putois (technique du putoisage). Dès le départ, le projet doit être précis (dessin au crayon ou à l’aquarelle) et la chronologie de la réalisation soigneusement fixée, chaque couleur nécessitant en effet des températures différentes de cuisson : très chaude pour le bleu et le rose carmin, puis, en ordre décroissant, le vert, le jaune et le rouge ; cuisson spécifique pour l’or et l’argent (mat ou brillant). Une pièce peut ainsi subir jusqu’à sept cuissons successives.
Les décors réalisés revisitent les motifs anciens : semis de fleurs composés de barbeaux, de roses ou de myosotis, ensembles de fruits, etc. L’équilibre est assuré par des petites branches fleuries. A cet ancrage dans la tradition, les artistes de l’Atelier de Lyne ajoutent une touche de modernité où s’exprime plus librement leur créativité. Elles s’inspirent de l’Art Moderne, de l’Art Déco, des motifs orientaux traditionnels ou de constructions géométriques. On passe ainsi d’un ensemble d’assiettes déclinant les images d’un jeu de loto du XVIIIe siècle à des scènes animalières, des paysages, des voilures de bateaux, des esquisses de visages, des silhouettes ou des décors non figuratifs aux contours étonnants et aux nuances magnifiques.
Depuis son origine, la production porcelainière est historiquement liée aux arts de la table (des tables aristocratiques principalement, par opposition à la faïence des tables bourgeoises). Elle le reste pour l’essentiel, même si d’autres pièces (vases, vasques, plateaux aux bords ondulés, chantournés ou lisses, etc) se sont ajoutées à la collection.
La production manufacturière contemporaine n’utilise plus que la décalcomanie. Les séries qui sortent ainsi des ateliers sont parfaites mais relativement banales dans leur uniformité. Pour Lyne Dejaie, la peinture sur porcelaine (et sur faïence) connaît aujourd’hui un regain de faveur dans le public : « les gens sont plus sensibles à l’authenticité de pièces qui portent la marque du geste créateur, l’estampille de ce qu’on appelle le « cousu main ».
Pour en savoir plus : « Atelier de Lyne », 1152, chaussée de Dinant à Wépion (081/460748)
Michel Arnold