Le Musée de la Photographie de Mont-sur-Marchienne accueille jusqu’au 22 avril 2018 les œuvres de Marc Trivier. Le photographe namurois y expose quelques exemplaires de ses étonnantes séries, consacrées à des têtes d’artistes ou d’écrivains réputés, à d’autres têtes aussi, de bétail cette fois, pendues aux crocs de l’abattoir et, pour nous détendre l’œil, à des paysages, toujours en noir et blanc et disposés en planches-contact en provenance du Montana américain.  Ensemble tout à fait singulier et magnifique dont le commun dénominateur est la dureté du grain, des contrastes et des mines, sans oublier le cadre noir et l’inox artisanal qui sert de clôture au cliché. C’est du pur Trivier, du brut hyper lucide et étudié mais qui donne l’impression, autant par ses décors d’atelier négligés que par les attitudes maladroites de ses sujets, que le travail s’est fait entre deux portes, sans mettre de gants, tel qu’il a été senti, sang et encre, plaintes et fatigue, au cœur même des heures mornes de l’existence. On y reconnaît les traits figés mais intenses de Foucauld, Auerbach, Bacon, Beckett, Sarraute, Genêt et quelques autres célébrités, intercalés entre des mufles abattus et des processions immobiles de sapins funèbres. Le tout dégage une incroyable impression de solitude volontaire, à l’écart de toute facilité collective. En interrogeant quelques visages sculptés dans le silence, je me suis rappelé l’élève Trivier des années quatre-vingt. Grand Meaulnes à sa manière désinvolte, il ne s’inquiétait guère de ses absences scolaires qu’il prenait pour des leçons buissonnières dont il pensait tirer idées et images à ajouter à ses dissertations. Son ancien professeur ne lui en a pas voulu… Marc est encore et toujours en route et ailleurs dans le monde, quand on va voir ses expositions déroutantes au pays de Charleroi, là où un incertain Rimbaud traînait jadis ses semelles bohèmes…

Michel Ducobu

 

 

Marc Trivier est né en Belgique en 1960. Vers ses vingt ans, il commence la réalisation de nombreux portraits d’artistes parmi lesquels Francis Bacon, William S. Burroughs, Robert Frank, Samuel Beckett et Andy Warhol. En 1984, Marc Trivier reçoit le Prix national Photographie Ouverte de la Galerie du Musée de la Photographie à Charleroi et en 1988 le prestigieux Young Photographer Award de l’International Center of Photography. Le photographe ne cesse de produire mais expose peu : Palais de Tokyo (1986), Musée de l’Elysée (1988), CRP de Douchy les Mines (2002), Maison Européenne de la Photographie (2011).