Colette Nys-Mazure, ou l’attention vive, sous la direction d’ Anne Prouteau. éd. Salvator.
Un livre qui est aussi un compagnon de vie, un bâton de pèlerin dans lequel on ferait des encoches, et chaque encoche serait la marque d’un poète, le signe d’un mystique. Un bâton pour la marche, et pour les soirs douloureux. Rappel d’amitiés, d’amours lointaines et proches à la fois.
Un bâton d’enfance, vulnérabilité et célébration (Marion Muller-Colard, p.45) A la fois sceptre et épée, baguette magique et houlette du berger et fourche du sourcier. Pour trouver, guider, avancer. A l’âge de la dépendance et de la désobéissance. Car ce sont nos fautes et nos souffrances qui nous enrichissent, et non l’abondance de nos vertus. Sans cela, nul besoin, nulle dépendance. Et nous demeurions des éternités à faire provision d’images glorieuses, à les engranger pour les jours murés lorsque nous perdrions jusqu’à la mémoire de l’aventure (citation de Colette Nys-Mazure, p.48). Et, à la page 50, Marion Muller-Colard ajoute: Tu as doublement raison de faire l’identité buissonnière. C’est la condition même de la vraie communication, telle qu’on la trouve en littérature, par exemple, chez Henri Bosco et André Dhôtel.
Une fort belle contribution, p.105, de Dominique Tourte, directeur des éditions Invenit. Il dit, à la p.107: Grandir ensemble dans le ravissement qui nous saisissait, lors de la contemplation, au musée de Douai, du Reniement de Saint Pierre, du Pensionnaire de Saraceni. Grandir ensemble, en un mouvement parallèle aux gestes des deux protagonistes du tableau. Mimêsis dans l’ekphrasis.
Et toujours, p.108, sous la plume de l’auteure, l’ existence qui affleure, à propos du tableau de Vallotton, Le soleil ni la mort. Au départ: un simple ballon d’enfant. Un profond traumatisme enfantin, point où s’origine son rapport à l’autre. La compassion, source de la littérature. Je l’interrogeais et je m’interrogeais, nous dit-elle à propos de la Jeune fille à la perle. Mais la compassion n’a rien d’une appropriation égoïste. Pour finir par cette belle citation de Cézanne: Mystère qui s’enchevêtre aux racines mêmes de l’être, à la source impalpable des sensations. Cela même qui fait qu’une pomme est vraiment une pomme.
Jean Lavoué notera également, p.115, qu’il n’y a pas chez elle, de complaisance mélancolique.
Et le recueil se terminera, avec une belle entrée en matière de Sylvie Germain, sur quelques textes d’hommage, dont celui notamment de Françoise Lison-Leroy, où brille l’étoile vive d’un carrefour, comme en écho, et la bibliographie de Colette Nys-Mazure.
Anne Prouteau est maître de conférences en littérature française à l’Université catholique de l’Ouest (Angers).
Joseph Bodson