Colette Nys-Mazure, Chaque aurore te restera première, Perrigny-lès-Dijon, L’Atelier des Noyers, coll. Carnets de philo, 2020, 56p.(10€)
Nous tutoyer pour un bilan de vie
Des poèmes brefs, au vocabulaire quotidien, dans lesquels Colette Nys s’adresse à elle-même pour baliser la fin de son itinéraire de vie, en son « for intérieur », comme le titrait un de ses précédents recueils. Ce « tu » qu’elle utilise s’adresse aussi à chacun de ses lecteurs et lectrices afin de profiter du temps restant, dans la lumière d’une perception sereine du devenir individuel au jour le jour sans s’engluer dans la mémoire du passé.
Au départ, ce constat réaliste que pour chacun de nous la vie avance, le temps s’écoule « tapis de plus en plus vaste » déroulé derrière nous. L’inéluctable mène à la vieillesse. Ce n’est pas à elle de nous mener, pas plus que le passé même si son bilan est de nous avoir construits.
Tu crois en avoir fini.
Tu te pense arrivée.
Alors que tu inaugures,
À chaque aube,
Un chemin inédit.
La mémoire conserve les souvenirs, les étapes franchies, les plaisirs ressentis, les amitiés rencontrées.
« […] Cette moisson d’êtres
Qui traversèrent ta vie,
Partis plus loin
Porter leur lumière.
Mais le cycle des saisons est ritournelle et malgré « le pressentiment d’un hiver austère », il y aura un printemps, « son foisonnement inouï ». Il y aura attention intuitive aux phénomènes naturels de l’environnement. Il y aura aussi le renoncement serein à tout superflu, le refus du négatif puisque
« Tu fuiras en toi-même / Les éteignoirs, les bonnets de nuit, / Les porteuses de mauvaises nouvelles. »
Tu continueras à apprendre, à avoir la curiosité de tout car « Avancer en vie t’intéresse. / Requiert ta vigilance. / Tu traques le neuf, l’inouï ». Tu ne seras pas dans le regret, « Tu te jures / De ne jamais calomnier ta vie ». Ainsi, sans néanmoins nier la possibilité de la maladie, tenant compte des nuits d’insomnie, Colette Nys propose une option positive, qui sied autant à l’agnostique, à l’athée qu’au croyant :
« Avancer sur la voie humaine
Avec l’allégresse de l’enfant
Qui se sait
Espéré,
Attendu. »
Cette édition s’orne d’aquarelles figuratives signées Anne Le Maître. Elles sont illustrations des mots, parfois anecdotiques, parfois symboliques. Elles offrent leurs coloris en demi-teintes qui rejoignent la sérénité fondamentale des poèmes.
Michel Voiturier (12.12.2020)