Diane Meur, Sous le ciel des hommes, Sabine Wespieser éditeur, 2020, 22€ .
Ouvrir un roman de Diane Meur , c’est la promesse d’un moment jubilatoire .
Une vingtaine de personnages vivent à notre époque au duché d’ Epone, lieu fictif
qui tient du Luxembourg, de la Suisse ou du Liechtenstein : calme et rangé .
Mais sous le ciel, ça bouillonne . Un célèbre reporter décide de se poser et choisit
avec l’éditeur un sujet d’étude pour le prochain livre : accueillir chez lui un réfugié
pour trois mois . Un groupe d’amis prépare la rédaction collective d’un pamphlet :
« Remonter le courant, critique de la déraison capitaliste . » Nous assistons aux débats,
ajustements de la pensée. Discussions sur l’évolution des mots : consommer_consumer .
Nous passons de l’essai à la chanson et à la réécriture . Formidable laboratoire du langage
que nous présente Diane Meur, traductrice par ailleurs .
Le journaliste lui aussi s’interroge : « J’ai accumulé, accumulé des expériences, mais jamais
pour elles-mêmes, toujours dans un but précis : en tirer des livres, des articles, de la copie
grassement payée. Et ma vraie vie , là-dedans, elle est où ? »
La vie personnelle est diverse : intellectuel et manager nantis, travailleurs précaires,
sans papiers .L’autrice décrit l’arrachement temporel de l’exilé : coupé du passé, quel avenir ?
Présent immédiat .
Les théories se confrontent aux pratiques, les comportements illustrent les questionnements .
Autant d’hypothèses proposées à notre liberté . Voici l’avis de Sonia, personnage central,
pamphlétaire et aide à l’écriture : « Enchaînons sur la liberté, puisque la liberté ou plutôt
son invocation est une pièce maîtresse du système pervers capitaliste qui, en se rendant invisible,
persuade ses membres qu’ils ont consenti à leur domination, et les invite à en parfaire
d’eux-mêmes les instruments .Il les « responsabilise », moyen on ne peut plus efficace de
les neutraliser . Que reste-t-il à faire, dès lors que vous êtes votre propre entrepreneur,
votre propre contrôleur, votre propre exploiteur ? Vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous :
c’est ce que vous avez voulu . »
Le découpage du roman garde un rythme vigoureux, dessine le croisement des chemins .
Sous le ciel des hommes, se murmure : « Ne nous laissons pas mener par les passions tristes .
Ce qu’elles ont de passionné, retournons-le en joie . »
Marianne Kirsch