Francesca Del Moro, Les obéissants, Cicorivolta éditions.
Paru en langue italienne sous le sigle de collection Liberté, égalité, diversité (c’est déjà plus qu’un programme), voilà un livre de poésie qui nous submerge d’interrogations sur le monde, sur le pourquoi de vivre, sur la fragilité et le mutisme des masses, sur le néant, sur l’inutilité de l’espoir en quoi et en qui que ce soit, divinités incluses. A la limite, sur la poésie elle-même, ou l’inutilité du cri, ou, justement, son utilité, mais pour les seuls initiés que nous sommes.
On peut deviner, rien qu’à l’illustration de couverture (détail d’un dessin Songe d’Apollon d’Alexandre Sicioldr, combien nous serions tous des fantômes, qui ne voient plus, qui ont la bouche ouverte sans qu’aucun son n’en vienne: nous voilà désormais aveugles, chauves, plus rien que les fruits d’un arbre desséché, pratiquement mort, ou alors les branches devenues tentacules d’un monstre errant et méconnaissable.
Rien en tout cas de commun avec ce que nous lisons quotidiennement de poésie, d’où qu’elle nous parvienne.
LXXXIV, page 99:
Qu’est-ce qui vous différencie des insectes?
Comme des grades fourmis bien mises qui marchent
Et portent vos petites miettes au bercail
Le soir vous chantez comme les cigales
Et le pied qui finalement vous écrase
Vous l’appelez Dieu et vous l’adorez.
Il faut aussi lire la superbe postface d’Anna-Maria Curci. Elle ramène à la relecture de l’ouvrage pour réaffirmer avec force ce que nous avions entrevu. La tête inclinée, mais aussi le cerveau rebelle. Poésie qui semble se remettre constamment en cause pour nous livrer un réveil définitif qui, sans doute, ne le sera jamais. Ainsi les obéissants ne le seront jamais.
Voilà un discours différent. Une alliance ouverte pour les insoumis qui s’y reconnaîtront sans peine. Un grand livre.
Francis Tessa