François Salmon, Rien n’est rouge, Avin, Luce Wilquin, 2016, 142 p.
François Salmon a déjà publié des textes dramatiques aux éditions Lansman. Le jeune Tournaisien vient d’obtenir les prix Litter’Halles, le Boccace et celui des Lycéens pour ce recueil de nouvelles. Son titre se justifie dans l’une des histoires où l’auteur dit, à propos de plongée sous-marine : « À dix mètres de fond, déjà, plus rien n’est rouge ». On y verra sans doute le fait que les personnages qu’il a inventés ou dépeints mènent des existences incolores dans lesquelles ils sont immergés.
Mais le véritable fil écarlate qui relie ensemble ces nouvelles si différentes, c’est que les antihéros de ces histoires sont animés par un désir. Car, qu’elles appartiennent au fantastique, à la science-fiction, au polar, au portrait psychologique…, toutes présentent un individu hanté par le besoin de se donner des repères et l’aspiration tenace, voire obsessionnelle, vers quelqu’un ou quelque chose.
Pour l’un, c’est l’apaisement d’une soif. Pour l’autre, c’est le désir de briller. Un troisième escompter une rencontre, un amour. Certains rêvent d’immortalité, de maîtriser le temps, de connaître l’indépendance, de trouver le vide intégral ou le silence absolu, de retourner à l’animalité, de changer la vie d’un lecteur par une métaphore éblouissante.
Si ces histoires ne sont pas roses, elles se teintent souvent d’un humour noir particulièrement réjouissant. C’est que l’écriture de Salmon s’amuse d’elle-même. Elle entraîne la dérision. Elle se prend au jeu et ne dédaigne pas des images, des analogies acidulées. Échantillons : « le genre de sourire qu’on se compose habituellement pour les visites aux soins palliatifs » ; un réveil «qui se mit à conjuguer sa sonnerie à toutes les personnes de l’impératif strident » ; « comme un sushi moléculaire sur un plateau de salaisons campagnardes » ; « ce soir, l’interdit a des couleurs de miel » ; et pour résumer le tout : « jouir de la dentelle d’une métaphore bien filée »…
Il s’aventure quelquefois du côté de la néologie : « il faut que ça sonne, que ça bible » ; une journée « merveilleusement polychrome et polyvocalique » ; « l’universelle mornitude terrestre ». Mais jamais il ne cherche à accumuler les trouvailles pour se gargariser de son style et risquer de fatiguer le lecteur sous les artifices.
Michel Voiturier