Gaëtan Faucer, Le sourire de Rodin, éd. Spinelle.
Diable d’homme, que ce Gaëtan ! Il écrit, dirait-on, aussi vite qu’il parle, et l’action de cette pièce, qui par son sujet, et surtout son cadre, devrait être lente, recueillie, presque silencieuse par moments, se précipite comme un torrent, avec des coudes brusques, des tournants à angles droits.
Qui est qui, qui est quoi, qui domine qui, qui veut qui, qui veut quoi ? Les réponses se précipitent au même rythme que les questions, et pourtant il n’y a là nulle recherche de l’ambiguïté, du doute existentiel (si, mais…)
Un certain goût de sucré-salé, d’amandes amères…mais n’est-ce pas notre destin qui est ainsi fait, de contradictions multiples, d’incessantes mises à nu, et qui font mal, comme si c’était notre peau que l’on arrachait ?
Plutôt que de se répandre en invectives contre l’apôtre convertisseur/exterminateur, contre les victimes à la vie gâchée, enfermées, castrées, encastrées, l’auteur, son personnage, s’avancent en chantant, en dansant…Pauline, substitut de Paul, et fausse amie de Gina – mais il y a aussi Vania, dédoublement de Gina ? Et Paul tel qu’en lui-même, et Auguste – tous ces prénoms n’ont-ils pas l’air de sortir d’un drame antique, de Polyeucte ? Et puis Pauline est là, qui arrive avec ses légumes…
Mais c’est vrai, profondément vrai, ce champ de décombres et de plâtras, où sont restées ensevelies tant de vies sacrifiées, anéanties. Et c’était sans doute la meilleure manière de le proclamer, sotto voce, les cris succédant aux murmures…
Joseph Bodson