Gaston : Flotches, foûrlaches èyèt boulètes, traduit en wallon de Charleroi par Jean-Luc Fauconnier, Noir Dessin Production,2023..

Pour ceux d’entre vous qui ne connaîtraient pas encore Gaston, eh bien, c’est simple : Gaston c’est tout le contraire de Tintin. Tintin résout tous les problèmes, déchiffre toutes les énigmes ; Gaston, lui, embrouille tout, crée des problèmes, le plus souvent là où il n’y en a pas, et se débine comme il peut, à ses dépens ou à ceux des autres. C’est la raison pour laquelle quand on appelle Gaston au téléphone, le plus souvent, personne ne répond.
Notons que cette traduction porte sur le n°16 des aventures du héros de Franquin. N’essayez pas de compter les gaffes, il y en a trop.
S’il y a chez Tintin un petit côté boy-scout (ses aventures ont d’ailleurs commencé dans la revue d’une unité scoute de Bruxelles), Gaston, li, i n’a qu’dès mwés plans.Et plus ils sont mauvais, plus les conséquences en sont catastrophiques, plus il persévère. Jugez-en un peu: raccorder les nichoirs d’oiseaux au chauffage central, inviter à son bureau (j’allais dire : son quartier-général) les amis de ses chats, sans compter les mouettes et les cormorans ; entreprendre à la fois la confection d ’un nouveau gâteau et la fabrication d’un savon effervescent – bonjour, les pompiers ! Sa voiture fait des slaloms sur le verglas. Il lui trouve un emplacement de parking rêvé, en démolissant le kiosque à journaux. Et même, un concours de bras de fer avec une trompe d’éléphant…
Et si chez Hergé, le dessin est clair et net, chez Frankin, c’est l’embrouille complète : les bras et jambes tordus, la ligne courbe et recourbée en concurrence avec des tignasses en buisson ardent, des bulles multicolores qui semblent éclore d’on ne sait quel alambic trafiqué?, sans compter que ce gamin de Gaston n’hésite pas à se moquer de son géniteur lui-même…
Non, décidément, je ne vois personne d’autre que Jean-Luc Fauconnier capable de se charger d’un tel poids d’embrouilles et de carabistouilles à traduire en notre brave wallon de Charleroi. Non, bien sûr, ce n’est pas un hara-kiri, mais il fallait tout de même une bonne dose de sens de l’humour, mais aussi de la zwanze et de la carabistouille pour y arriver. Mais je ne voudrais pas vous quitter sans vous en laisser un échantillon : la fin d’un passionnant entraînement de basket de l’équipe de Gaston. Le match a dû être clôturé avant la fin du fait que…une copine et émule de Gaston y a mis du sien, en cousant tout simplement sur lui-même le filet où le ballon est resté suspendu. Encore une bonne idée !
« Al fén, on vwèt qu’djé racomôdé lès filèts !…Is stît trawès tous les deûs ! Vos fôt m’promète tèrtous d’awè ène miyète pus d’sogne ! »
Oserai-je me risquer à le retraduire en français, sans avoir l’original sous les yeux ? Encore pire qu’un filet troué ! « Enfin, on voit que j’ai raccommodé les filets !…Ils étaient troués tous les deux ! Vous devez me promettre tous d’être un peu plus soigneux ! »
Se non è vero, è bene trovato. Allez Gaston !

Joseph Bodson