Jean-Marie Corbusier (textes) – Dominique Neuforge (encres) – Printemps pour un autre rivage, Le Taillis Pré, 2024, 25 €
Des feuilles détachées, comme celles d’un arbre, comme celles d’un cahier, un cahier déchiré, puisque la vie, le printemps, sont renvoyés, nous dit le titre, à un autre rivage.
Le souvenir – Pirou et Mila – deux animaux familiers, animaux, mais tellement humains, tellement proches des auteurs, et de nous, lecteurs, de par toutes ces tentatives, visant à garder, ou à reprendre le contact perdu. Tentatives aussi par le dessin, la lutte de l’ombre et de la lumière.
De là toutes ces amarres lancées, saisons promises, la présence, visage de la durée/la nuit, le silence, le guet au bord de la nuit, « La vie, comme une flamme qui ne meurt pas, tout est léger /où tu fais signe », la nuit que la lumière repousse, L’appel, les mots, le jour rompu, une dernière caresse, Ombre/lumière, vaste chant où les yeux se perdent, cris muets, l’écart de nos souffles, ces multiples oppositions, les sens alternés puis composés, une sorte d’espérance hybride, dans sa composition, tous les éléments confondus puis se déchirant, dirait- on, les uns les autres. Et que reste-t-il de ce monde défait, un peu à l’image de celui d’Empédocle, quand c’est la haine qui triomphe des éléments réunis puis désunis, que reste-t-il donc ?
« Aube figée dans son tremblement, resteront les jours à nommer le bonheur, le contrecoup, une ouverture vers un aller, un aimer à franchir encore. Vous revoici libres d’exister, de n’avoir pas existé, sauvés dans la disparition des jours.
Nous appelons et c’est le noir
Nous appelons encore
Rien
Une ombre à peine
Rien
Nous rappellerons
Nous n’en finissons pas de nous quitter, la lumière brille au fond de quel abîme, de quelle attente au détour du chemin ? »
Entre l’homme et l’animal, un abîme, une séparation définitive ? Non, un appel ininterrompu, des regards qui se croisent, et la conscience d’un sort commun, comme d’un grand fleuve d’ombre et de lumière, au sein de ces appels entrecroisés. Les mots, comme des sorts jetés, et ces dessins d’ombre et de lumière… « Chaque homme dans sa nuit marche vers sa lumière » disait déjà Victor Hugo. Nous ne sommes pas seuls, ils ne sont pas seuls.
Joseph Bodson