Jean-Pierre Dopagne, J’ai faim, Lansman éd.
La dernière pièce de Jean-Pierre Dopagne? Vous voulez dire, qu’il n’en écrira plus dans la suite? A la mort de Dickens, un petit Anglais demandait si le père Noël allait mourir aussi.
C’est que quelque chose d’essentiel va nous manquer, désormais. Il est significatif que cette pièce ait été jouée dans la Marolle, où la pauvreté existe toujours. N’ayons pas peur des mots. Michel Voiturier, de son côté, a repris Adrien. On ne joue pas n’importe quoi n’importe où avec n’importe qui.
Une vieille pauvresse, devant un salon de coiffure. Un candidat aux élections. C’est de saison, ils fleurissent à foison, et s’éteignent à mesure, à peine le temps d’avoir brillé, sur l’air des lampions. Faillite de l’Europe? Faillite de la démocratie? Faillite de la paix? Jamais nous ne nous serons sentis autant en porte-à-faux. Et la pièce de Jean-Pierre vient à point pour nous rappeler que les choses ont un envers, et que ce qui nous semble assuré ne l’est pas tant que cela. Non, le théâtre de Jean Louvet n’est pas démodé. Le théâtre de l’absurde n’est pas dépassé. Ubu Roi n’a pas fini de régner.
Oui, il est temps, plus que temps, que l’on reparle travail. Pauvreté. Vieillesse. Jeunesse, et enseignement. Et dénuement. A la page 45, ô ironie, la salle des anciens abattoirs de la ville est réservée aux SDF pendant les fêtes. Et le romancier nous dit, à la p.58: Qu’est-ce que tu penses de cette idée, Sarah: une ville accueillante aux SDF? Une ville où les SDF bourdonneraient comme des abeilles dans une ruche? Parce qu’il y fait bon vivre. Une espèce de Club Med des SDF. Sarah, qu’est-ce que tu en penses?
Mais Sarah, sa coiffeuse lui a dit que la vieille pauvresse avait un GSM. Alors, ça fait la voix off et la voix on, la voix du romancier et celle de sa femme. Et c’est comme dans le vie, c’est le plus souvent la voix on que l’on entend.
Au revoir, Jean-Pierre. Pas adieu. On t’écoute. On t’écoute toujours.
Joseph Bodson