Laurent Robert, Guerres, poèmes, éd. Le chasseur abstrait.
Alors qu’un peu partout on en est encore à célébrer la victoire des Alliés de 1914-1918, Laurent Robert a mis en exergue une petite phrase de Wilfred Owen, très allusive dans sa brièveté: The old Lie: Dulce et decorum est Pro patria mori. La langue de la prose, implacable dans son réalisme; le discours latin de la gloire – le latin, qui servit aussi, bien longtemps, à énoncer les gros mots du sexe – ici, ceux du mensonge, car comme le disait le vieux poète: Quiconque meurt/ Meurt à douleur.
Et les douleurs, en ce recueil serré sur soi comme un bouquet d’épines, elles ne manquent pas.
strophes 38 et suivantes du Chant I:
De toute façon/Il n’arrive jamais rien/Herbes dans la boue//Automne ridé/La soupe des pauvres gens/Brumeuse frontière//Rayonnant secret/Poids de l’âge dans les reins/Innocence à perdre//Everything I lack /Quiet of an English wood/Books music pictures//Cœurs entre les lignes/Et rouges-gorges troués/Rien dans les journaux//Cicatrices neuves/Insoucieuses de vieillir/Epreuve du temps.//Jesus Christ I’m hit/He said and died par arrêt/Du hautain shrapnell.
Et plus loin, strophe 6 et suivantes du chant 3:
Le silence est rouge/Crépuscule des jacinthes/Pavots aux paupières//Sureaux de novembre/ Unsäglich ist das alles/Soûlerie de Dieu//Au corps de jacinthe/Le monacal doigt de cire/Le doux animal//L’ogre est en retard/Toute morgue toute rage/Sommeil de l’hiver.
Les textes anglais sont de Robert Graves et Wilfred Owen; le texte allemand, de Georg Trakl.
Le sexe, la vie, comme un costume que l’on retourne, l’envers de la guerre, la guerre, qui n’a qu’une fourrure de neige…
Un grand poète, Laurent Robert de Wasmuël? Bien mieux que cela: comme on dit en patois: énn-ome tout-oute. La langue, le style, ça va avec.
Joseph Bodson