Liliane Schrauwen, A deux pas de chez vous, nouvelles, Zellige.
Un recueil de faits divers qui se présente, par la présentation typographique au début de chaque chapitre, comme ceux des journaux. Mais ne vous y trompez pas: ce sont des contes cruels. Mais c’est notre monde qui est cruel, me direz-vous. Ici, cependant, il se trouve enrobé d’un certain humour, parfois macabre, d’une étrangeté parfois inquiétante, avec des chutes dont on ne se relève pas.
Tous les personnages, ou presque, ont des comptes à régler avec la société. Œil pour œil, dent pour dent. Cruels, mais justes. D’une cruauté qui n’est jamais gratuite. Un style dense, serré, un peu haletant, qui rend bien, par exemple, le souffle de la fuite, avec le vent, qui se met de la partie, dans Courir, c’est mourir un peu. Un clin d’œil à des titres connus, parfois, comme le titre du recueil lui-même, ou bien Le choix de Sophie. L’intrigue, son style même, ont la rigueur d’un théorème. La haine des fioritures. Mais elle peut, comme à la page 111, décomposer un mouvement, une scène, en courtes tranches sèches, pour en accentuer la rigueur. Une rigueur qui n’est pas sécheresse, l’amour physique y est décrit avec beaucoup de charme.
Mais, encore une fois, la réalité est anguleuse, elle ne fait pas de cadeaux…Et puis vient la dernière nouvelle, la plus belle à mon sens, avec une fin superbe, une nouvelle qui explique un peu les autres, aboutissement ou palliatif: Sachez que mes dernières pensées seront pour vous. Pour vous tels que vous étiez en ces temps de petite enfance, quand la maison retentissait de vos chants, de vos disputes, de vos rires. Si le paradis existe, c’est à cela qu’il doit ressembler: à un lieu, – ou un état, ou un moment – où je pourrai retrouver vos frimousses d’enfants heureux, où chacun d’entre vous sera là, avec moi, à l’âge où il était le plus craquant, à l’âge où tout était encore possible. Quand la solitude n’existait pas vraiment, et que l’espoir était vivant.
Joseph Bodson