Lisières Jean Jauniaux poèmes éditions Bleu d’Encre ( 2024,93 pages, 15 euros)

Jean Jauniaux évoque, en lisières, et sans doute depuis l’enfance, là où tout se fait et se défait, des souvenirs servant de lien d’un poème à l’autre et écrits en autant de « parois » possibles un peu à la façon de Guillevic. Poète des villes et poète des champs, il l’est également du bord de mer avec la Flandre pour inspiration, autant d’ânes rêveurs, processions suggérées en citant Furnes non loin de la côte avec également les éternels départs évoqués tandis que « Le sillage d’un hauturier trace/vers le grand large/ sa voie d’écume » Il ne niera pas non plus la chère Saint-Idesbald de ses romans.
Préoccupé d’une humanité parfois défaillante, sa plume constate de façon à dénoncer la situation de « cet homme affalé/ emmitouflé/ dans un tas de cartons » ou encore la guerre avec « les boues de sang et de terre/ les larmes de cendres ».
Dans ce recueil le temps lui-même se veut lisière franchie ou retenue au bord d’une certaine nostalgie rappelant une rencontre ou les errants de la vie « aux papiers toujours manquants ».
Avec une inspiration où les écrivains de référence et les disparus trouvent également leur place, Jean Jauniaux trace les poèmes en ajoutant autant de tranchées qu’il a de choses à dire : « Que reste-t-il/ des visages enfuis ? Un nuage de cendres/Un fleuve/Ses méandres ».
Poète sans frontières il reste pourtant « à perte de regard » et peut-être pour cet enfant qui « à l’heure futile/ferme son livre d’images » tandis qu’une indicible joie lui sert à jamais de marque-pages : « Dansez/ sur la plage blanche/ mes mots- crabes/…/Un poème dira alors/la chanson du sable »
Dans sa brillante préface Eric Brogniet rappelle la prestance de sa poésie élancée en lisières de peupliers.
L’ange distrait posé dans un livre a tout l’azur au-dessus de lui pour que s’affirme l’envol poétique tandis que « Les ciels sereins/ s’étirent sur le lin/ des blancs matins » dans cette belgitude se voulant cependant universelle et qui, parfois, fait songer à celle de Jacques Brel.

Patrick Devaux