Louis Savary, Maintenant que je suis un vieux singe, éd. Les Presses littéraires.
On aurait attendu, peut-être, un vieux sage plutôt qu’un vieux singe, mais la sagesse qui vient avec l’âge comporte toujours une certaine amertume, et Louis Savary semble avoir bu l’amertume, sans trop goûter à une sagesse qui ressemblerait à celle de l’Ecclésiaste…
Le ton est assez différent de ses productions habituelles: plus amer, nous l’avons dit, sans illusions, même si l’humour est toujours là, qui permet – parfois – de tempérer l’amertume. Mais écoutons-le plutôt:
la rage au cœur/ma poésie s’est arrêtée/de battre la démesure (p.64)
défiez-vous des mots/certains sont immortels/pas vous (p.92)
la poésie est la pire/des maladies orphelines (p.31)
Et puis, surtout, le ton est moins assuré, et les apophtegmes tranchants font place aux dialogues, et même trialogues (avec des caractères d’imprimerie différents)
le pire mon amour/c’est que bientôt/nous serons là-bas/où personne ne se retrouve (p.20)
le vieux singe sentait bien/qu’il ne serait jamais/qu’un primate au cerveau/tant soit peu développé (p.21)
les mots me narguent/les mots me provoquent/osent me mettre au défi/je veux mourir en ayant le dernier (id)
Las! Ronsard l’avait dit déjà: Le temps non, mais nous nous en allons. Mais dirons-nous avec Louis Savary: Las! Les mots non, mais nous nous en allons? Il est vrai qu’il n’a pas encore dit son dernier. Pénélope ou Schéhérazade? Les mots nous prolongent, avec leurs histoires, de rasade en rasade.
Joseph Bodson