Pascale de Trazegnies, Le Mort, Weyrich Édition, 2016
Lou vient d’apprendre le décès de son père, qu’elle n’a pas vu depuis très longtemps. Elle lui rend une ultime visite. Ensuite l’émotion cède vite la place à l’action. Pour exorciser l’empreinte laissée par le mort, rien de tel que de s’abandonner à la vie dans ce qu’elle a de plus charnel : l’ivresse et le stupre. Lou a touché son père pour en éprouver la froideur cadavérique. Maintenant elle parcourt la ville – Bruxelles – en quête de chaleur, qu’elle trouve, non pas au sein de sa famille – famille, je vous hais ! – mais dans l’ivresse d’une nuit de débauche. Elle se rend dans plusieurs bars, où elle rencontre d’anciens « amis » tout disposés à lui offrir, l’alcool aidant, la chaleur de leur corps et surtout de leur sexe.
Fallait-il descendre si bas pour montrer que la disparition d’un parent est une épreuve qui laisse des traces ? L’auteur ne nous épargne rien, de l’obligation de pisser comme élément fondateur de la condition humaine jusqu’au fantasme de la sodomie, évoqué comme le moyen infaillible d’atteindre le fondement de l’être humain (sic). Évoquer les réalités triviales est certes à la mode. N’y avait-t-il pas une autre manière de révéler le choc provoqué par le contact physique avec la mort ? D’aucuns crieront au génie devant ce texte qui réduit l’être humain à un système purement physiologique, né du hasard et voué à disparaître. C’est faire fi d’une autre composante essentielle du vivant : le psychisme.
Bien sûr, l’incommunicabilité entre les êtres est appelée à la rescousse, spécialement entre Lou et sa mère, mais aussi ses frères et sœurs. Fallait-il, cerise sur le gâteau, faire mourir Jean-Charles, le frère de l’héroïne, de manière pitoyable, empalé sur la grille de sa propriété ? La ficelle est un peu grosse.
Et le style ? Certes il ne manque pas de force, il est vivant, si l’on peut dire, souvent cru, parfois métaphorique, de façon inattendue vu le contexte. Certains passages tiennent le lecteur en haleine et rachètent le côté déplaisant du parti-pris de l’auteur.
Jacques Goyens