Saisons des bourgades retirées
Paul Roland, « Hivers traversés de ciel bleu », Merlin, Les Déjeuners sur l’herbe, 2017,46 p.
Paul Roland a trouvé une musique qui lui sied bien. Elle est, somme toute, plutôt classique. Il privilégie les vers au nombre de pieds pairs, de préférence six ou quatre, hexamètres et quadrasyllabes, ce qui engendre une harmonie mélodieuse. Il faut dire que ce qu’il nous chante semble assez peu troublé par le tohu-bohu du monde actuel.
Le piéton est son porte parole. Celui, comme lui, qui prend le temps de marcher dans les rues en regardant les façades, les fenêtres, les balcons ; en foulant les grès ; en accompagnant les saisons. Il y a là une sorte d’émerveillement à contempler.
Mais qu’on ne s’y trompe pas. Il n’est ni aveuglé, ni sourd. Il ne se contente pas de l’extérieur de la réalité, il observe et écoute ce qui se passe. S’il est des habitations bourgeoises, il est aussi des logis populaires et par conséquent, puisqu’il y a des classes sociales, il y a forcément conflits : l’équité n’étant pas le fort des nations.
Il nous confie cela d’une voix qui ne se force pas, qui ne trouve pas indispensable de hurler. Il sait que le pavé peut être descellé pour devenir arme de révolte. Que […] la ville / dans le silence / qui les précède / trimballe ses émeutes. Que la pluie vient museler l’appel des mendiants. Qu’il y a toujours un commerce où la cité s’enrichit / sur la santé des débardeurs. Qu’il existe parfois des coups de couteau / entre les omoplates.
Paul Roland officie entre une chanson légère à la Odilon-Jean Périer et des mezzo-fortés à la Verhaeren. Il offre des poèmes où la rime importe moins que le rythme. Même s’il parle de « batirama » et de de « domotique », de « fashion style » et de « prada », l’atmosphère générale avec chevaux, forge, négoces rappelle celle du XIXe siècle avec son ambiance un peu nostalgique.
Ce qui est sûr, c’est que depuis cette époque aux apparences plus tranquilles que la nôtre, la différence entre les nantis et les autres n’a pas diminué. Au contraire. À sa manière, Paul Roland ne manque pas de nous le remémorer.
Michel Voiturier