Philippe Colmant, Le tour de l’île, poèmes, illustrations (aquarelles) de l’auteur, Demdel, 2021
Après plusieurs recueils où il donnait à voir l’existence dans sa succession de « chants et contre-chants » et sa perception un peu désenchantée du monde comme il va, le poète creuse ici l’introspection, un peu plus profond dans le temps.
Une sorte de rapatriement dans les contrées de l’enfance, un retour sur l’enfant aux yeux sages, au regard parfois grave, que nous avons tous été un jour.
Défilent des souvenirs heureux du temps où « Il suffisait d’un rien/Pour embrasser le tout ». « Une maison modeste/Au jardin exigu/Qui m’allait plutôt bien. Le monde avait ma taille (…) »
Mais il dit aussi la douleur des pertes. Celle des proches, « Et la photo de toi/ En noir et blanc, debout/Près des rosiers en fleurs. /Tu m’y souris encore/ Comme on sourit aux anges. »
Celle aussi, plus sourde et secrète, de l’enfance que l’on doit bien un jour abandonner ou plutôt, c’est elle qui nous laisse nous en aller. « Un matin ou un soir, / (…) L’insouciance s’en va/ Elle quitte le corps/Pour s’envoler sans bruit ».
L’on suit l’enfant qui rêve, qui grandit, à qui prend « Juste une folle envie/ D’accumuler les mots / Pour remplir à ras bord / Cette creuse existence. »
Le poète se penche certes sur son propre passé mais, plus largement, il ravive le temps de l’enfance, et ses textes nous touchent par les dizaines d’échos qui viennent cogner à la mémoire.
Un regard en arrière qui ne cherche pas à effacer ni à tourner des pages, « Laisse le temps te dire. / Il raconte très bien. ».
Il permet au contraire d’avancer vers une certaine sérénité. « Etonnamment mon sac / est toujours léger/ Comme au temps de l’enfance ».
Les poèmes sont parfois nostalgiques, jamais larmoyants. Très fluides, ils se lisent comme une longue promenade dans les années, comme on ferait le tour d’une île.
Martine Rouhart