Philippe Leuckx Ce fragile chemin des choses éditions Bleu d’Encre (2024,112 pages, 15 euros)

Sensible sans doute aux bouleversements, Philippe Leuckx se demande, avec une certaine régularité, entre quels murs il se sent vivant et, davantage encore, quand il les longe : « parfois on se demanderait/si la ville commence là/vers les hauts murs/de l’enfance/si tu ne t’es pas trompé/de vie ou de rue ».
Philippe devine la ville proche sans forcément s’y retrouver, celle-ci reflétant le symbole d’une quête, scrutant plutôt depuis les fenêtres « l’insolente verdeur des lointains », les mots étant distribués entre « Hautes Herbes » et « Ce fragile chemin des choses », cette deuxième partie étant peut-être plus introvertie, s’adressant également à la mémoire de la chère disparue : « Sans doute as-tu un peu/ froid sous le granit/en dépit des fleurs », la filiation étant ensuite rappelée vers « petite Aile », la petite gardienne de son cœur de grand-père.
De fait, l’au-delà lui-même est un mur et l’auteur en assimile doucement la patience forcée : « Avant l’aube sache/faire de ta nuit/une jarre de patience/quand la lumière/n’est encore/que parcelles brillantes/et que les murs frôlés/respirent ».
Les murs de Philippe sont sans doute ce que sont les « parois » pour Guillevic : des cheminements entre les étapes de sa pensée ( et de ses recueils successifs) frayés plutôt dans le ressenti que dans l’atermoiement avec ce « peu de lumière » qu’il cherche entre les travées.
L’auteur serait-il, in fine, une sorte de « sentinelle qui attend l’aurore », ses mots exerçant, après diagnostic personnel, lumière et espérance en se mettant, comme il le fait régulièrement, au service des autres plumes : « La brume énonce le jour/Le ciel s’évince sans un cri/Parfois la peur gomme la parole/On se retient à une rambarde/On se fait plus petit que la lumière » ?
A la recherche de l’amour perpétuel parce que « seuls les cœurs/poussent leurs tremblements/aux cimes des murs », il constate lui-même que « la nuit imprègne le plus petit espace/se replie/cède au poème » , rendant ainsi ses mots victorieux.

Patrick Devaux