Philippe Leuckx, les ruelles montent vers la nuit, éd. Henry, La main aux poètes, 2016.
Au fil des recueils, et plus spécialement encore dans celui-ci, me semble-t-il, Philippe Leuckx laisse de côté tout ce qui pourrait passer pour pittoresque, quitte à attacher davantage d’importance aux objets tout simples, bruts, pour aller vers davantage de recueillement, d’intériorité.
Ici, ces strophes toutes simples, fortement focalisées sur un objet, une sensation – le sentiment, le souvenir ou l’oubli viendront par après. Ainsi, p.22 :
Les livres, là les poèmes conçus, les textes à relire et la vie, au-delà des vitres, dans la lumière un peu refroidie d’une journée fade, peu de bruits du côté de la rue, quelque chose pourtant de palpable et d’inquiet dans l’ordre du jour, qui remue assez loin pour qu’il faille l’écrire, comme une présence à soi, étrange.
Une nature morte, le calme illusoire des paysages tranquilles, qui demande à l’observateur une attention tendue, et pour le rendu, une phrase qui s’allonge, proposition par proposition, pour culimner dans le dernier mot.
L’étrangeté, mais aussi, la nostalgie, l’enfance, sont au rendez-vous, et sans avoir l’air d’y toucher, le recueil devient une méditation sur ce qui nous touche au plus profond, la vie, la mort, la survie ou la non-vie. Ainsi p.25 :
On ne sait presque rien. On approche. C’est tout. La pudeur fait le reste./Parfois, on ne lève que la poussière du jour. Ses reliefs et ses ombres./Mais les collines et les jardins gardent toute profondeur.
Bien sûr, le vocabulaire est ici celui de la chasse, d’une chasse sombre et muette. Le cœur est un chasseur solitaire, comme l’a dit Carson Mc Cullers. Et Philippe Leuckx marche sur ses traces.
Joseph Bodson