Pierre Coran – Mémoire blanche– éd. M.E.O. – 110 pages – 14 €
Après une première édition chez Duculot en 1981 et une deuxième aux éditions du Seuil en 1997, voici une nouvelle édition (revue) d’un roman qui met en scène un alcoolique accusé d’un crime. Un crime qu’il est persuadé n’avoir pas commis. Mais comment en être sûr ? Il était ivre, il n’a aucun souvenir de ce qui s’est passé. Il a la « mémoire blanche »,vide. Aucune information sur le laps de temps où Clarice, la vieille antiquaire juive, a été tuée de quatre balles dans le dos. Balles provenant de son revolver à lui, Pierre.
Ce revolver, il se souvient l’avoir vendu ce soir-là, mais il ne sait plus à qui…
Un indice va lui donner la preuve de son innocence, sans qu’il puisse hélas rien prouver, il n’a que sa parole. Et ça ne compte pas. La prison l’attend.
L’auteur pointe les causes mais surtout les conséquences de la dépendance à l’alcool, la déchéance physique et mentale, la solitude, la misère sociale et morale et tout ce qui peut s’ensuivre. Comment un homme en proie à de telles difficultés peut-il s’en sortir ? C’est possible. Mais pas seul.
C’est ce que Pierre Coran se propose de nous démontrer dans ce roman, où il évoque la dure réalité de ce que vit son personnage, sans fard mais avec un certain décalage, une certaine distance, comme s’il accordait moins d’importance à la réalité des faits relatés qu’à l’essentiel de son propos, au but profond du récit. Les faits étant le support du propos, qui est de comprendre l’alcoolique, de l’accompagner et de lui montrer la voie de l’espoir, le chemin pour sortir de la dépendance, insistant sur la solidarité indispensable des autres, amis ou non, médecins, alcooliques anonymes, ces A.A. où, après avoir été aidé, on peut devenir aidant.
Nous suivons le cheminement de Pierre, sa déroute, ses doutes, ses chutes et ses espoirs, jusqu’à une certaine délivrance. Mais est-il vraiment possible de vivre et de faire vivre en mots de papier l’enfer de l’alcoolisme sans l’avoir approché soi-même ? L’insupportable manque, le désespoir tenace, le découragement devant les rechutes, la souffrance poignante dans ce paradis qui n’en est pas un et dont on n’arrive pas à s’échapper ?
Isabelle Fable