Renaud Denuit, L’impraticable, poèmes, éd. Le Coudrier.
Il s’agit en fait de la réédition d’un recueil paru en 1981, qui n’a guère été diffusé, les stocks ayant été détruits par une inondation.
Un recueil qui ne se livre pas d’emblée, comme ces petites boîtes dot parle Rabelais – des silènes, si j’ai bon souvenir – ou, si vous préférez, comme la noix que la pie perce et vide, rien que d’un petit trou rond, à la bordure nette. et l’image ici est vraie; la bordure est nette, sans fioritures. Des poèmes qui demandent à être lus et relus pour en tirer tout le suc.
Au début, un monde déstabilisé. Un monde étranger à lui-même, comme Le Waste Land d’Eliot. Et le rêve d’être la restauration d’un ordre, ainsi p.27:
tu deviendras magistrat/tel un château restauré/et les gens seront loin de toi/perdront plaisir.//évidemment/tu sépareras/leurs silencieuses racines/et trouveras le moyen/de les faire parler//à moins que juge et partie,/tu ressentes les peuples-corps/et que des capitales/s’emparent de l’amour/avant la désuétude/pour jouir en ordre de plage.
Chaque vers, ou presque, appelle le commentaire, la tentative d’élucidation. Ce que l’on peut dire, à coup sûr, c’est justement cela: ce besoin d’élucidation, de justice (les termes en abondent), l’Europe.
Ainsi encore, p.29, cette ambiguïté, où il est vu au lieu de voir, tout est passé à son passif. Mais, à la page 40, une vision assez biblique (il en est d’autres), de même que le ton. Il se trouve bien sûr plus proche du trobar clar que du trobar clus, ce qui est loin d’être le cas le plus souvent.
Et, bien sûr, un certain sentiment d’échec, de désarroi devant une Europe que l’on croyait presque accomplie. Ce qui reste d’actualité.
Joseph Bodson