Robin & Jacky Legge, Colette Nys-Mazure, Bertrand Debouvrie, Bruno Gérard, Palimpseste, Veine, Noir/Mine, Poussière, Convulsion, Tournai, Maison de la Culture, 2017, s.p.
noir méditatif, lyrique, scriptural
Cela fait des années que Bruno Gérard (1958, vit et travaille à Moulbaix) pratique des écritures picturales variées en noir et blanc. C’est sa façon de travailler l’abstraction. Il en est arrivé aujourd’hui à décliner le noir sur des formats de plus en plus grands. Il s’agit pour lui maintenant comme le décrit Robin Legge, d’un langage plastique porté davantage sur la surface où viennent s’inscrire le geste, le mouvement, la trace mais aussi le jeu de matière, de nuances et de profondeurs .
Le livre décrit la manière dont le peintre exécute ses compositions. Il énumère les démarches qui animèrent l’artiste entre 2012 et 2017. Les œuvres de la série Palimpseste ont été grattées. Elles laissent percevoir l’horizontalité de ce qui était dessous la couche d’acrylique sans qu’il soit question d’y déchiffrer une lisibilité de mots manuscrits. Avec Veine, les courbes viennent se confronter aux lignes horizontales en une gestuelle très physique telle que nous la repérons à travers la production des abstraits lyriques.
À travers les réalisations de Noir/Mine , c’est en quelque sorte un retour aux sources du système pictural de Gérard qui se dévoile. Il est en effet lié à sa biographie puisque son enfance s’est passée au pied des terrils, sur un territoire où la mine conditionnait la vie des habitants.
Poussière se rapproche du monochrome. La matière n’est pas sans rappeler des champs de tourbe que l’artiste, sidéré, a découverts en Irlande . Enfin, Convulsion , comme le suggère son titre, engendre des œuvres plus fiévreuses, issues de l’action immédiate du jet de la peinture sur la toile pour qu’elle s’y mêle au blanc et que l’aléatoire y produise des nuances que le gris va se charger de révéler.
Outre les nombreuses reproductions particulièrement soignées (le noir est délicat à traiter photographiquement et Jacques Robert ainsi que l’imprimeur ont effectué un travail remarquable) le livre contient des incises littéraires accompagnant les tableaux.
Colette Nys-Mazure y décèle un élan créatif : Tout ce noir de noir abîme fuligineux / n’aspire pas à la perte / il enfante . Elle souligne le côté mystérieux et fascinant des grimoires. Elle rappelle l’origine de la démarche à la mémoire / d’agendas calligraphiés . Elle signale combien l’intensité du sombre n’empêche pas d’évoquer aussi la fragilité. Elle suggère des éléments symboliques, ses mots prenant le relais du regard posé sur les compositions plastiques. Son écriture poétique qui laisse entre les mots et les vers des blancs sur la page se marie d’emblée à ces expérimentations.
Bertrand Debouvrie constate que Le vide primordial se remplit du souffle de la Vie . Il relie passé lointain et présent, éphémère et durée, conciliant des contraires : L’amour naît et touchant l’infini attend l’Apocalypse . Quant à Jacky Legge, il égrène des lieux dispersés sur la planète avant d’aboutir à la Belgique, pays égaré dans le noir profond .
Michel Voiturier