(Photo : Mireille Dabée)
Il n’est pas rare que des gens l’arrêtent en rue pour lui témoigner leur admiration. Ils l’ont vue jouer dans telle ou telle pièce et ne sont pas prêts de l’oublier.
Sur les planches depuis 1946, Suzy Falk, la doyenne de nos comédiennes belges (elle est née le 23 novembre 1922), a défendu presque tous les auteurs dramatiques dans quasi tous les théâtres du Royaume et sous la direction des metteurs en scène les plus exigeants. Impossible de résumer sa carrière en quelques lignes. Impossible aussi d’essayer de la définir, car elle-même en serait bien incapable : « J’ignore qui je suis, mais je cherche ! » répond-elle, si on lui pose la question. S’il ne fallait épingler qu’un seul personnage, parmi les centaines qu’elle a incarnés sur scène, ce serait sans doute « Mère Courage », son rôle le plus « costaud » qui lui a valu, à l’époque (vers 1965-66), les honneurs de « Paris Match ».
Dans son spectacle « Suzy raconte », qu’elle assure seule et met en scène, la comédienne joue son propre rôle, c’est-à-dire qu’elle invite le spectateur à découvrir des bribes de son vécu – quotidien, carrière, voyages, expériences diverses. Au gré de petits papiers, soigneusement mélangés dans un chapeau*, et que le public est invité à tirer au sort, les anecdotes se succèdent, sans que l’on voie le temps passer. La plupart sont savoureuses, voire désopilantes, mais pas toutes (on songe, par exemple, aux épisodes liés à la Shoah). Comme il s’agit d’improvisations – Suzy y tient et refuse que ses histoires soient figées sur le papier – le public des habitués, ses « fans », comme elle s’amuse à les qualifier, peut les entendre plusieurs fois sans jamais se lasser.
* Chapeau porté sur scène, en son temps, par Claude Etienne, fondateur du Rideau de Bruxelles.
Elle est attentive aux autres, dans la vie de tous les jours, et les autres l’écoutent, avec intensité, dès qu’elle est sur scène. Ils sont là, face à face, comédienne et public respirant au même rythme, échangeant en profondeur le secret des mots. Des liens invisibles se tissent et parfois se resserrent bien après le spectacle.
Suzy Falk vit le théâtre au maximum, comme elle l’a toujours fait, par toutes ses fibres, son moindre grain de peau. Et elle nous le fait vivre, avec son regard vif, criblé d’intelligence et sa diction parfaite.
« Suzy raconte » : un spectacle à découvrir ou à revoir !
Noëlle Lans