Sylvie Godefroid, Hope – Genèse éditions – 150 pages – 19 €
Très différente de l’œuvre précédente (La balade des pavés), qui était un hymne à la vie, une leçon de courage et d’espoir, Hope, malgré son nom, pourrait être vue comme un hymne à la mort, une ode au désespoir et à la pulsion de mort. Mais pas seulement.
C’est l’histoire d’une jeune femme née avec une grave malformation du visage, une maladie orpheline (neurofibromatose de type 1), inopérable, qui l’a fait considérer – et par conséquent, se considérer – comme monstrueuse et inapte à vivre parmi les autres. On l’a nommée Hope car il lui faudrait bien du courage pour affronter la vie. En fait, elle n’a jamais pu vivre même les choses les plus anodines, comme offrir son visage au soleil et au vent sur une plage ou sur un trottoir, et personne ne l’a jamais touchée. Elle a subi le regard des autres, répulsion et mépris, jusqu’à la quarantaine, avant de prendre une fatale décision : le suicide. Mais, pour qu’on ne l’oublie jamais, qu’elle ait un jour la chance d’exister et d’être célèbre, elle a choisi le suicide collectif. Elle va sélectionner dix personnes à emmener dans son voyage mortel.
Elle avait des atouts cependant, elle avait un corps superbe, désirable, elle disposait de la fortune de ses parents, elle était « bardée de diplômes ». Mais il lui manquait l’essentiel, l’amour de parents qui n’ont pas eu le courage de l’élever eux-mêmes, ou, au moins, l’amour d’autres personnes… Elle n’avait pas visage humain et le déficit d’amour ne lui a pas permis de surmonter ce handicap. Elle n’a développé qu’amertume et haine de l’humanité. Sans cet espoir, dont elle portait le nom.
Peut-être l’auteur, par cette histoire tragique et dérangeante, a-t-elle voulu rappeler à quelles extrémités peut mener la souffrance, à quel degré d’inhumanité peuvent arriver ceux qui ont manqué de cet ingrédient essentiel de la vie, la sympathie, qui nous permet de « sentir ensemble », de partager des vécus, douloureux ou non. Dans l’espoir de nous rendre plus humains vis-à-vis de ceux qui sont hors norme.
Chaque chapitre nous fait découvrir une des victimes (ou des privilégiés ?) que l’héroïne décide d’inviter le 20 octobre 2017, jour de son anniversaire, qui la figera à tout jamais à cet âge. Au lecteur de comprendre ce qui motive les choix de Hope et comment elle va attirer ses invités dans un piège.
Dans un style naturel, un langage familier, Sylvie Godefroid nous fait vivre le drame d’une femme qui « se sent tellement femme quand elle ferme les yeux et tellement monstre quand elle les ouvre ». Cette déchirure intense, Hope refuse de l’assumer plus longtemps, elle se délivre de la souffrance subie en renvoyant la souffrance en miroir à la face du monde.
Isabelle Fable