Evelyne Wilwerth
Chambre 5
Adélaïde claque la double porte du balcon. Rien à foutre de ce jardin ! Rien à foutre de cet hôtel déglingué. Et cette chambre pourrie, avec cette stupide tourelle. Et ses foutus parents qui fredonnent depuis ce matin. Heureusement qu’ils sont partis en balade. Bon débarras.
Et pourquoi se laisse-t-elle happer par le miroir ? Une tête pas possible, à flanquer à la poubelle. Ces joues trop rondes, ridicules. Ces rougeurs près de la bouche. Ces cheveux plaqués sur son crâne. Oui, abjecte. À flinguer. Et vite.
Et elle recule, heurte cet abruti de fauteuil moyenâgeux, envie de crever sur place, elle s’affaisse en amazone sur l’accoudoir, puis jette sa jambe droite par-dessus. La voilà bêtement à califourchon sur cette horreur décadente.
Elle n’a plus qu’une envie, pleurer, se noyer dans ses larmes, et elle se tasse plus encore, et le bois de l’accoudoir étroit accueille le corps, accueille la chair, s’immisce lentement entre les fesses, pénètre subtilement l’intimité.
Adélaïde a suspendu sa respiration, plus aucune pensée, plus ancun mouvement. Plus rien sauf cette zone qui se met à palpiter, à chauffer étrangement, elle ose écarter plus encore les cuisses, et voilà que ça brûle, ça brûle délicieusement, elle ferme les yeux, ça lance des éclairs, de plus en plus lancinants, puis ça monte, c’est comme une immense vague qui monte, monte encore… et qui déferle.
Feu d’artifice dans son ventre.
Volcan de lumière dans tout son être. Diamants.
Et sur ses quelques rougeurs près de la bouche, une larme étirée.
(extrait de « Hôtel de la mer sensuelle » d’Evelyne Wilwerth, Avant-Propos, 2015)